samedi 22 décembre 2018

L'Inquisition espagnole : Thomas de Torquemada

De ce que fut vraiment l'œuvre de l'Inquisition espagnole, on ne doit parler qu'avec une extrême prudence; sur ce point aussi l'imagination populaire a beaucoup affabulé.  Le premier Grand Inquisiteur, Thomas de Torquemada, a été représenté comme un tortionnaire sadique, aux mains pleines de sang, faisant régner la terreur dans toute l'Espagne : c'était, en fait, un religieux très austère, convaincu de l'utilité de son rôle, mais dépourvu de cruauté et dont l'action, à maintes reprises, s'exerça pour modérer les excès de certains juges ecclésiastiques. 

Tous les dominicains, au reste, qui fournirent à l'Inquisition ses cadres, étaient loin d'être des « Torquemadas », et beaucoup cherchèrent à ramener des pécheurs plus qu'à les châtier.  Quant aux méthodes du célèbre tribunal, « l'édit de fer » qui obligeait les parents mêmes des suspects à les dénoncer, les tortures de la question appliquées aux inculpés pour obtenir leurs aveux, elles étaient, on ne saurait l'oublier, dans les mœurs du temps, - et le XX° siècle est assez mal fondé pour le reprocher au XV°.  
Reste le problème du nombre des victimes, emprisonnées à vie, étranglées ou brûlées vives, après les célèbres « actes de foi » - autodafé - où leur condamnation était proclamée publiquement; l'histoire a bien du mal à proposer des chiffres, tant les renseignements sont variables, entre quelques centaines et des dizaines de milliers ! Proportionnellement au nombre d'actions engagées devant tous les tribunaux, les condamnations graves furent certainement peu nombreuses.  Trop encore, il va de soi, pour qui pense que la religion de l'amour ne s'instaure point par la force mais c'est une autre affaire.  

Ce qui est certain, c'est que l'inquisition fit peser sur l'Espagne entière une atmosphère de crainte et de sévérité, - presque de terreur, - assez voisine de celle que, obéissant à d'autres exigences, le Tribunal Révolutionnaire fit peser sur la France de 1793.  Et ce qui est non moins certain, c'est que le peuple espagnol l'a non seulement acceptée, mais voulue et bénie, comme une manifestation de cette foi ardente jusqu'à l'héroïsme qui lui avait permis de forger son destin.
(Daniel Rops : L’Eglise de la Renaissance et de la Réforme p. 262, sq)

jeudi 13 décembre 2018

Une devinette : qui envisageait il y a 50 ans déjà l’évolution actuelle de l’Église ?



De la crise actuelle émergera l’Église de demain – une Église qui aura beaucoup perdu. Elle sera de taille réduite et devra quasiment repartir de zéro. Elle ne sera plus à même de remplir tous les édifices construits pendant sa période prospère. Le nombre de fidèles se réduisant, elle perdra nombre de ses privilèges.

Contrairement à une période antérieure, l’Église sera véritablement perçue comme une société de personnes volontaires, que l’on intègre librement et par choix. En tant que petite société, elle sera amenée à faire beaucoup plus souvent appel à l’initiative de ses membres.

Elle va sans aucun doute découvrir des nouvelles formes de ministère, et ordonnera à la prêtrise des chrétiens aptes, et pouvant exercer une profession. Dans de nombreuses petites congrégations ou des groupes indépendants, la pastorale sera gérée de cette manière. Parallèlement, le ministère du prêtre à plein temps restera indispensable, comme avant.
Mais dans tous ces changements que l’on devine, l’essence de l’Église sera à la fois renouvelée et confirmée dans ce qui a toujours été son point d’ancrage : la foi en un Dieu trinitaire, en Jésus Christ, le Fils de Dieu fait Homme, en l’Esprit-Saint présent jusqu’à la fin du monde. Dans la foi et la prière, elle considérera à nouveau les sacrements comme étant une louange à Dieu et non un thème d’ergotages liturgiques.

L’Église sera une Église plus spirituelle, ne gageant pas sur des mandats politiques, ne courtisant ni la droite ni la gauche. Cela sera difficile pour elle, car cette période d’ajustements et de clarification va lui coûter beaucoup d’énergie. Cela va la rendre pauvre et fera d’elle l’Église des doux. Le processus sera d’autant plus ardu qu’il faudra se débarrasser d’une étroitesse d’esprit sectaire et d’une affirmation de soi trop pompeuse.
On peut raisonnablement penser que tout cela va prendre du temps. Le processus va être long et fastidieux, comme l’a été la voie menant du faux progressisme à l’aube de la Révolution française – quand un évêque pouvait être bien vu quand il se moquait des dogmes et même quand il insinuait que l’existence de Dieu n’était absolument pas certaine – au renouveau du XIXe siècle.
Mais quand les épreuves de cette période d’assainissement auront été surmontées, cette Église simplifiée et plus riche spirituellement en ressortira grandie et affermie. Les hommes évoluant dans un monde complètement planifié vont se retrouver extrêmement seuls. S’ils perdent totalement de vue Dieu, ils vont réellement ressentir l’horreur de leur pauvreté. Alors, ils verront le petit troupeau des croyants avec un regard nouveau. Ils le verront comme un espoir de quelque chose qui leur est aussi destiné, une réponse qu’ils avaient toujours secrètement cherchée.


Pour moi, il est certain que l’Église va devoir affronter des périodes très difficiles. La véritable crise vient à peine de commencer. Il faudra s’attendre à de grands bouleversements. Mais je suis tout aussi certain de ce qu’il va rester à la fin : une Église, non du culte politique car celle-ci est déjà morte, mais une Église de la foi. Il est fort possible qu’elle n’ait plus le pouvoir dominant qu’elle avait jusqu’à maintenant, mais elle va vivre un renouveau et redevenir la maison des hommes, où ils trouveront la vie et l’espoir en la vie éternelle.
 

Joseph Ratzinger – Lors de l'enregistrement d'une émission à la radio allemande en 1969...
http://www.baptises.fr/content/crise-actuelle-emergera-leglise-demain
 

dimanche 9 décembre 2018

Péché originel: L'homme de la modernité se veut résolument innocent


C’est peut-être tout le sens de ce récit des origines que nous offre la Genèse.  On a beaucoup glosé, surtout depuis saint Augustin, sur le « péché originel ». À bien lire l'évêque d'Hippone, on s'aperçoit que cette idée de péché originel, de chute, de discordium malum, ne conduit pas forcément à considérer l'homme comme un éternel coupable ni à se flétrir soi-même dans une repentance mortifiée.  Il veut dire que tout homme doit regarder en face la part de mal qui est en lui; le mal virtuel dont il est possiblement capable au-delà même du permis et du défendu.  Cette lucidité ne lui fera pas seulement comprendre la nécessité de la grâce.  Elle le détournera aussi de cette haine vertueuse qui rejette sur autrui tout le malheur du monde.
Cette interprétation du concept de péché originel nous aide à comprendre que toute revendication d'innocence est mécaniquement meurtrière.  Si je m'affirme innocent, si je clame mon appartenance au Bien, alors le mal ne peut être que chez l'autre.  Cet autre que je serai tenté d'éliminer.  Les fanatiques sont convaincus d'être « innocents » bientôt « martyrs ». C'est ainsi qu'ils justifient leurs crimes. 
Mais on peut élargir Ie propos.  Tout un pan du discours contemporain est construit autour de l'idée d'innocence, indéfiniment revendiquée et martelée.  L'homme de la modernité se veut résolument innocent.  Dans ses désirs.  Dans ses pulsions.  Dans ses convoitises.  L'esprit moderne se moque du prétendu dolorisme chrétien. À ses yeux, le « péché originel » n'était qu'une invention cléricale pour empêcher l'homme de jouir et d'être heureux.  On préfère revendiquer aujourd'hui - comme un droit - la transgression et le refus de toute culpabilité.  Or on voit bien jusqu'où peut conduire ce prurit d'innocence: à la haine de l'autre.  Tout simplement.

Cette dérive donne sérieusement envie de réhabiliter, contre vents et marées, l'idée de péché originel.  Comme l'appel à une modestie fondatrice et fraternelle.  Comme la reconnaissance de la complexité de l'autre et le refus de l'intolérance pharisienne.  Surtout comme un élément central de la Bonne Nouvelle qui illumine nos vies : à savoir que, dans l'incarnation et la résurrection du Christ, le mal universel trouve, y compris en nous-mêmes, les prémices de sa défaite finale.  Un auteur polonais contemporain, Leszek Kolakowski, ancien marxiste revenu au christianisme, a d'ailleurs écrit des choses admirables sur cette question du péché originel et sur la présence du mal : «Jésus nous a recommandé de commencer par éliminer le mal en nous-mêmes et non de tuer d'autres hommes que nous consi-dérons à tort ou à raison comme mauvais. »

L'essayiste Marcel Gaucher assure quant à lui que le prétendu «recul » du religieux n'en est pas forcément un.  Tout dépend de l'angle de vue qu'on choisit. « Le paradoxe de la situation où nous sommes, écrit-il, est que le détrônement des religions de leur position de commandement leur restitue un nouveau rôle.  Bien sûr, leur autorité sociale a considérablement décru, mais, dans le même temps, leur capacité d'être entendues, y compris par des gens qui ne relèvent en rien de leur famille spirituelle, s’est accrue. » 

M. Albert, J. Boisonnat , M. Camdessus  « Notre Foi dans ce siècle » de Michel ALBERT, Jean BOISSONNAT, Michel CAMDESSUS Ed. Arléa, 2002, p.41

samedi 1 décembre 2018

Pour une taxation des ventes d'armes

Nous avons dit notre scepticisme sur les chances de succès de la taxe Tobin.  L'idée de taxer les exportations d'armes nous semble plus pertinente.  Il s'agirait de taxer ce mal global par excellence qu'est le surarmement en allouant les produits de la taxe à l'ONU et aux organisations qui, avec elle, travaillent avec des moyens beaucoup trop limités à la prévention des conflits.  Rendre plus coûteuses les importations d'armes, c'est contenir l'ardeur des va-t-en guerre.  C'est aussi concourir à l'élimination du scandale de ces trois cent mille garçons et filles de moins de quinze ans qui, sur tous les champs de bataille du monde, utilisent les armes que nous vendons.
Nous connaissons bien les objections à un tel projet.  Comment le G 8, qui exporte 90 % des armes vendues sur le marché mondial, déciderait-il de se taxer lui-même ? Comment identifier ces exportations ? Ces difficultés ne sont pas insurmontables.  Le G 8 sait que l'accumulation des armes dans le tiers-monde est une bombe à retardement dont il peut être à tout moment la victime.  Nous le savions mais, depuis le 11 septembre, c'est une évidence criante.
La taxation est-elle réalisable ? Elle l'est, tout spécialement pour les armes lourdes.  Depuis le sommet de Londres, en 1984, le registre des Nations unies consigne la nature, le montant et la destination des exportations militaires de tout pays exportateur.  L'assiette de la taxation est donc bien identifiée.  Elle ne s'applique pas encore, hélas, aux ventes d'armes légères, et l'on sait que la conférence de l'ONU à ce propos, en juillet 2001, s'est achevée par un échec à la suite de l'opposition de la Chine, de la Russie, mais surtout des États-Unis.  Les Européens ont plaidé, eux, pour le contrôle strict à l'exportation », et même pour la mise en place d'un marquage permanent de ces armes qui tueraient environ cinq cent mille personnes par an.  


On peut penser que la « révision déchirante » de leurs objectifs internationaux, à laquelle les États-Unis procèdent depuis le 11 septembre, permettra de rouvrir cette discussion.
Quelles ressources pourrait-on attendre de cette taxe ? Selon Laurent Fabius, ministre de l'Economie, des Finances et de I'lndustrie, « un prélèvement de 10 % sur les exportations d'armes pourrait représenter chaque année jusqu'à cinq milliards d'euros supplémentaires ». Ce serait un pas vers la réalisation de la parole du prophète Michée, qui nous invitait « à transformer les épées en socs de charrues ».

« Notre Foi dans ce siècle » de Michel ALBERT, Jean BOISSONNAT, Michel CAMDESSUS Ed. Arléa, 2002 p. 171

Instrumentalisation de l'homme par la politique, par l'économie, par la science

Le troisième grand défi du XXI° siècle concerne la personne humaine elle-même.  Emmanuel Mounier expliquait bien que celle-ci courait un risque permanent : celui d'être instrumentalisée.  La personne humaine ramenée au rang de pur instrument, l'homme pris comme moyen et non plus comme fin : telle est bien la barbarie, l'antihumanisme qu'il nous faut inlassablement combattre.  Or, dans l'Histoire, à mesure que les sociétés humaines se transforment, cette instrumentalisation change de visage, et même de nature. 
De plus en plus, elle cible l'homme au plus intime de son identité.  Nous approchons du moment où cet acide pourra dissoudre la personne dans sa définition même.  Alerte : Frankenstein est parmi nous, désormais sans masque et de l'argent plein les poches !
Cette menace, cette violence, Il nous faut apprendre à les identifier.
Pour simplifier, disons qu'il y a trois formes d'instrumentalisation de la personne humaine: par la politique, par l'économie, par la science.  Elles se sont historiquement succédé, parfois en s'additionnant.  L'instrumentalisation de l'homme par la politique ou l'idéologie, ce fut le drame principal du XX° siècle.  Des hommes transformés en chair à canon lors des grandes tueries de 14-18, ravalés au rang de « matériau » militaire, ou bien encore niés comme individus libres et dignes par les grandes idéologies totalitaires : peu de siècles auront humilié la personne humaine comme celui-là.  Lénine puis Staline répétaient que la « Grande Révolution » devait en finir avec l'individualisme petit-bourgeois. « Le temps du bonheur individuel est fini », proclamait Hitler de son côté.  L'homme n'était plus qu'un atome négligeable du grand « tout », le serviteur taillable et corvéable d'un grand dessein collectif.

Mais ce même homme, l'économie l'instrumentalise d'une autre façon.  Il n'est plus dès lors qu'un agent de production, une force de travail, l'ingrédient anonyme et contingent d'un  « processus ». Il est ce prolétaire que la révolution industrielle coupe de ses anciennes appartenances, ou racines ; il est cet immigré de l'intérieur, livré à la fournaise des grandes cités. 
L’instrumentalisation économique de la personne humaine
Toute une partie du XX° siècle peut s'analyser comme un effort permanent pour résister à cette possible instrumentalisation
économique de la personne humaine : les luttes sociales, les droits reconnus aux plus faibles, l'élaboration d'un droit du travail, le renforcement de la solidarité collective et l'édification de l'État-providence.  Du Sillon de Marc Sangnier - au début du XX° siècle - aux mouvements associatifs de l'après-guerre (JEC, JOC, CFTC, etc.), en passant par les groupes personnalistes, les chrétiens se sont souvent retrouvés dans les tranchées de cette résistance à l'instrumentalisation de l'homme par l'économie.  Ils doivent y rester.  Les grands bouleversements contemporains, dans un contexte de globalisation économique, peuvent être facteurs de progrès, mais ils peuvent aussi entraîner des régressions sur ce chapitre de la personne.
 

Et puis le XXI° siècle voit apparaître - ou se renforcer - les risques d'une instrumentalisation de l'homme par la science.  Avec les nouveaux et prodigieux moyens dont elle se dote - via, par exemple, la génétique ou les neurosciences -, la science du vivant est désormais capable d'intervenir sur l'homme lui-même.  Cela ne s'était jamais produit dans toute notre histoire. 
Des « mystères » immémoriaux, comme celui de la procréation ou de l'identité humaine, sont aujourd'hui contrôlables et manipulables par la science.  Elle a largement percé le secret de la vie.  De la même façon, elle s'est donné les moyens d'intervenir sur les différentes composantes du corps humain, comme on le ferait avec un jeu de Meccano. 
D'où l'émergence étourdissante d'une infinité de questions éthiques - clonage, procréation assistée, greffes, appareillage du corps, etc. - qu'on a de plus en plus de mal à trancher, et même tout simplement à poser, tellement il n'est pas « politiquement correct » de le faire.  Ce qui fait problème, en effet, c'est désormais la définition même de l'humanité de l'homme.
Les questions essentielles - et gigantesques ! - qui traversent ces débats sont celles-ci : où fixer la limite ? Comment définir avec précision l'espèce humaine ? Qu'est-ce qui distingue  « l'humain » de l'animalité, de la machine, de la chose ? Qu'est-ce qui empêche de réduire un homme à la simple addition de ses organes?

Dans ce contexte, le risque qui surgit, c'est de voir l'homme transformé en simple « instrument » ou « matériau » par la science.  Cette troisième instrumentalisation de l'homme, c'est aussi, convenons-en, un formidable défi.  Elle est d'autant plus redoutable qu'elle peut non pas se substituer aux deux précédentes, mais s'ajouter à elles.  Pire : faire système avec elles.  Autrement dit, les menaces pesant sur la personne peuvent se multiplier sans jamais être repérées autrement que comme inéluctables et bénéfiques.  C'est d'ailleurs ce qui se passe de manière caricaturale - mais parlante - dans quelques cas extrêmes. Lorsque certains régimes totalitaires organisent en sous-main le trafic d'organes humains, ils cumulent de façon saisissante les trois instrumentalisations de l'être humain : par l'idéologie, par l'économie, par la science.

La vigilance sur ces trois « fronts » est donc plus que jamais nécessaire.  Mais elle doit être réfléchie, et fondée en dernier ressort sur un sens irréductible de la dignité de l'homme. ( Cela ne doit pas conduire à une sorte de fondamentalisme hostile à tout progrès).  Il faut savoir que l'homme doit et peut volontairement abandonner à la société une partie de la souveraineté qu'il exerce sur lui-même.  Il est un être social par définition, et non un individu dans sa tour d’ivoire.  En tant que citoyen, il aliène une partie de sa liberté au profit d'une communauté politique dont il est membre, et qu'il peut être appelé à servir.  Comme salarié, comme producteur et comme consommateur, il est bel et bien engagé dans une machinerie économique qui évalue sa « rentabilité » et son « employabilité », soupèse ses besoins, tarifie ses compétences, etc.
De la même façon les sciences de la vie (médecine, biologie, etc.) progressent en prenant l'homme comme « Objet » d'étude.  Mais ici, des précautions extrêmes s'imposent car, en l'homme, corps et âme sont intimement liés, inséparables dès qu'il y a vie.

La question est donc celle des proportions, des limites.  Dans les trois domaines précités (politique, économie, science), c'est la grande question d'aujourd'hui : définir et fixer les limites, c'est veiller sur l'homme.  Ce n'est pas, ce ne sera pas une question facile.

« Notre Foi dans ce siècle » de Michel ALBERT, Jean BOISSONNAT, Michel CAMDESSUS Ed. Arléa, 2002, p. 30 sq