dimanche 24 février 2019

Jean Pierre Winter : La GPA,« une histoire vécue comme un abandon »

Jean-Pierre Winter, psychanalyste, s’inquiète de la chosification des enfants et des effets de la GPA sur leur épigénétique.


« La GPA est vécue par l’enfant comme un abandon. Quand il aura l’âge de poser la question “d’où viennent les bébés ?”, il va s’entendre dire, directement ou indirectement, qu’il a été pendant neuf mois dans le ventre d’une femme qui n’est pas celle qui s’occupe de lui, et qu’elle a décidé de l’abandonner. À un moment donné, l’enfant va nécessairement ressentir qu’il a fait l’objet d’un marché, qu’il est un produit avec une valeur marchande, et se demander : “Qu’est-ce que je vaux ?” 

Le rôle de l’épigénétique

Ce statut d’objet a quelque chose d’extrêmement humiliant. J’ai perçu ce sentiment chez des enfants nés de GPA, sauf qu’ils ne peuvent pas l’exprimer car il existe un interdit social de dire que les conditions de la conception peuvent être la cause du problème. Un jour, une petite fille que je voyais en consultation m’a demandé : “N’y a-t-il pas des moyens plus simples pour faire des bébés ?” Un enfant se compare à la façon dont les autres ont été conçus. Elle se sentait dans un statut de différence. Cela produit de la fixation sur l’origine.
On sait aujourd’hui, grâce à des études sur l’épigénétique ( Étude des régulations de l’activité des gènes), que le développement du cerveau du bébé dépend de la femme qui le porte et que les cellules fœtales restent dans le sang maternel pendant au moins vingt-sept ans. Or l’enfant né par GPA ne peut pas reconnaître sa mère d’intention ni par son odeur, ni par sa voix, ni par tout ce qui est lié à l’épigénétique. L’enfant sent qu’elle est une étrangère, exactement comme un enfant adopté à qui on n’a pas raconté son histoire le sait. Or, un enfant a besoin de savoir que la personne à qui il s’adresse est quelqu’un qui pense son existence, sinon il se sentira inexistant. »

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dimanche 17 février 2019

Histoire de l'Eglise: Prêtres français aux Etats Unis au XIXe s.

L'implantation des Sulpiciens aux Etats-Unis devait être aussi décisive pour la jeune Église américaine qu'elle l'avait été pour l'Église canadienne au siècle précédent.  Bientôt ils furent douze.  Bientôt aussi ils furent rejoints par des prêtres que chassaient de France les mesures terroristes et de Saint-Domingue l'insurrection de Toussaint Louverture : au total une centaine de 1791 à 1815
La plupart de ces émigrés étaient des hommes de haute valeur morale et de culture.  Ils s'établirent un peu partout dans les territoires de l'Union et partout y firent de l'excellent travail.  Moins de vingt ans après la nomination épiscopale de Mgr Carroll, la situation du catholicisme aux U.S.A., était entièrement changée.  Et Rome, consacrant cet état de fait, créait en 1808 la Province ecclésiastique de Baltimore, dont l'archevêque avait quatre suffragants, New York, Philadelphie, Boston, Bardstown.


Ainsi, parmi les « Pères » de l'Église américaine figure un lot brillant de Français.  L'historien américain Théodore Maynard leur a attendu cet hommage :
« Il est difficile d'imaginer ce que serait devenue l'Église sans ces prêtres savants, vertueux, fort dévoués. »
Six accédèrent à l'épiscopat, laissant, là où ils travaillèrent, des noms illustres.  Plusieurs furent de véritables figures de légende. Tel Mgr de Cheverus, futur archevêque de Bordeaux et cardinal, dont la distinction et le charme firent beaucoup pour implanter le catholicisme à Boston, et en l'honneur de qui, lorsqu’arriva l'annonce de sa mort, les protestants eux-mêmes firent sonner le glas.  Ou l'étonnant Mgr Flaget, pionnier de l'Ouest, dont le premier palais épiscopal, à Bardstown, fut une cabane de rondins, dont la longue vie près de cent ans fut si féconde qu'on disait de lui que chacune de ses haltes apostoliques marquait l'emplacement d'un futur diocèse.  Ou encore Mgr Brutè de Rémus, surnommé «l’Ange du Mont », le plus savant de tous, qui, à cinquante-cinq ans, quitta ses livres pour partir, à deux pas des Peaux Rouges, arracher à la ruine la chrétienté de Vincennes et dont la fin de vie fut un tissu d'aventures. 
Leur action à tous porta ses fruits : à la mort de Mgr Carroll en 1815, les catholiques étaient 70 000 et il y avait soixante-douze prêtres américains.
(Daniel Rops, Histoire de l’Eglise Tome X, l’Eglise des Révolutions , Ed. Fayard )