lundi 8 août 2016

Combattre le terrorisme sans oublier que la violence habite aussi en nous

Une onde de solidarité a gagné la France


Après le meurtre abject du père Jacques Hamel, et contrairement à ce que l’on pouvait redouter, une onde de solidarité a gagné la France. Des chrétiens, des musulmans, des juifs et des athées se sont réunis dans le chagrin.

 La violence habite nos sociétés 

Mais nous n’en sommes pas quittes pour autant avec la violence qui habite nos sociétés. Pensons à celle qui hante l’école, à l’insécurité de certains quartiers ou des transports en commun, à la délinquance adolescente, aux brutalités domestiques ou aux incivilités de toute sorte. Sans parler de la violence dans les médias.  
Il faut une longue sédimentation de générations, maintes décennies, pour constituer en quelque sorte des types humains ayant intériorisé une acceptation spontanée de la règle commune. Or ce passage de relais semble aujourd’hui grippé.

 On a dissipé un capital éducatif accumulé au cours des siècles 

On en connaît les raisons : crise de la famille, de l’école, des grandes cultures intégratrices, etc. Après avoir fait si longtemps l’éloge de la transgression, de l’individualisme, du cynisme, à force d’avoir chanté sur tous les tons le refus des règles, des contraintes et des vertus civiques, on a dissipé un capital éducatif accumulé au cours des siècles. Il s’agit de le reconstituer.
Il faut combattre le terrorisme, mais sans oublier que la violence n’est pas seulement le fait de quelques « tueurs ». Virtuellement, elle habite aussi chacun d’entre nous. 
Jean-Claude Guillebaud dans LA VIE (4-11 août 2016)



La génération du père Jacques Hamel

La génération du père Jacques Hamel

La génération du père Jacques Hamel est, à peu de choses près, celle du pape actuel. Elle a tenu avec une fidélité humble, traversant un long demi-siècle de bouleversements culturels et cultuels. À vue humaine, elle n’a pas toujours recueilli les fruits escomptés. Or, justement, on commence à discerner combien l’Esprit chemine. 
L’Église de multitude a fait place à une Église de convertis. La parole a été transmise, comme qui dirait, de grand-père à petit-fils. Au fond, au-delà des nombres et des modes, rien d’essentiel ne change jamais. Servir le pauvre ; aimer, pardonner, donner sa vie ; tomber et se relever ; se rassembler, prier et célébrer autour du corps et du sang livrés… le message du Christ demeure. Au quotidien comme dans les grandes circonstances, il reste aussi simple que difficile à suivre. Parfois jusqu’au martyre.

La génération « catho ++ »
Les JMJistes catéchisés par François à Cracovie prendront le relais de serviteurs entrés dans la joie de leur maître. À l’appel du pape François, ils jetteront des ponts et abattront les murs. Ils annonceront la bonne nouvelle de la miséricorde. Certains donneront leur vie.
Entre la génération « catho ++ » et les têtes vidées du djihadisme, en revanche, le fossé semble impossible à combler. Comment, dans un même pays, dans une même époque, une même culture, deux logiques à ce point opposées peuvent-elles œuvrer ? Cette double réalité, manifestée au même moment, a quelque chose de vertigineux. 
Mais en refusant l’idée d’une guerre des religions, ou même de dédouaner les catholiques de toute pulsion violente, le pape François, une nouvelle fois, a renvoyé chacun à une vérité en apparence discutable, difficile à admettre, mais universelle : l’attrait pour le mal fait partie de l’énigme humaine. 
Jean-Pierre DENIS dans LA VIE (4-11 août 2016)