dimanche 3 mars 2019

Nouvelles congrégations religieuses au XIX° s.

 Dans ce sol de la vieille Europe chrétienne, tant labouré et arrosé par le sang des témoins sacrifiés, ce ne sont pas seulement les rejets des vieilles souches qui surgissent.  L'apparition de congrégations nouvelles est un des faits caractéristiques de la période : apparition? mieux, prolifération, saint pullulement, pléthore !
Il n'est pas une seule année, de 1815 à 1870, où l'on n'enregistre la naissance d'un de ces groupements, masculins et féminins, qui, sous un habit également neuf, selon des constitutions particulières, se dévouent au service de Dieu. 
Chez les femmes, le phénomène prend une telle ampleur qu'un mot malicieux courra: parmi les choses qu'en dépit de son omniscience le Bon Dieu ignore, il y a... le nombre des congrégations féminines. Ce mouvement est d'ailleurs encouragé par Rome, spécialement par le cardinal Bizzarri qui, sous Pie IX, dirige la Congrégation des religieux. 
Il faut l'avouer : il n'est pas commode de se repérer au milieu de toutes ces formations dont les désignations trop souvent se ressemblent. Hormis les spécialistes, bien peu de catholiques sont capables d'expliquer ce qui les distingue, moins encore de rattacher correctement une congrégation au nom de son fondateur.  Faire la différence entre des Marianistes, des Maristes, des Frères Maristes, des Oblats de Marie Immaculée, des Pères du Saint et Immaculé Coeur de Marie, n'est pas facile, et pas davantage de situer dans leurs justes perspectives les Sœurs de l'Assomption, les Petites Soeurs de l'Assomption, les Oblates de l'Assomption et les Orantes de l'Assomption ! D'autant que les vieux ordres suivent l'exemple: les Dominicaines finiront par avoir trente et une branches ou congrégations !


Signe d'individualisme que ce foisonnement de petites congrégations? 
Peut-être : mais aussi désir de répondre à des besoins accrus et diversifiés, par une spécialisation très poussée.  Ce qui n'empêche pas un grand nombre de ces fondations nouvelles d'être « pluralistes », à la fois, par exemple, enseignantes et charitables, comme l'ont été, depuis plus de deux siècles, les filles de Monsieur Vincent, sans oublier les vocations missionnaires, dont on a vu l'importance. 
Immense, impressionnante moisson pour Dieu, où les ouvriers et ouvrières affluent : la France en est alors le champ le plus fécond, mais suivie par l'Italie, la Belgique, l'Espagne et même les États-Unis et le Canada.  Un des aspects de l'Église de nos jours se prépare alors.

Chez les hommes,
les fondations nouvelles se constituent moins sur le modèle des grands Ordres anciens, que des Congrégations postérieures au Concile de Trente, et surtout des Compagnies de prêtres, formule souple et très favorable à une action multiforme.  Le terme d'Oblats est fréquemment utilisé, bien qu'il désigne souvent non pas, selon la définition, « des laïcs qui s'agrègent à une communauté religieuse en lui faisant abandon de leurs biens », mais de véritables religieux, ayant prononcé des voeux, ordinairement prêtres. 


Les Frères, leur multiplication
 A côté de ces formations, - autre fait caractéristique qu'on a déjà noté dans le domaine missionnaire, - surgissent et se multiplient celles des Frères, religieux qui ne sont pas prêtres, mais qui n'en servent pas moins Dieu et l'Église dans toutes les tâches apostoliques, selon la formule popularisée par saint Jean-Baptiste de la Salle: leur action, notamment en matière d'éducation, est de première importance. (…)
Certains se sont spécialisés dans la formule nouvelle des « patronages » qu'on a vus naître en 1845, avec les Fils de Saint-Vincent-de-Paul de l'abbé Le Prévost,  la grande majorité se consacrant à l'école et parmi eux une majorité de Frères :
Frères Maristes du P. Champagnat, Frères de l'Instruction chrétienne, dits de Ploërmel, du cher Jean-Marie de Lamennais, Frères du Sacré-Coeur du P. Coindre, Frères de la Doctrine chrétienne de Nancy, de Dom Fréchard, Clercs de Saint -Viateur, du P. Querbes, dont le succès au Canada sera considérable, et Frères des Écoles chrétiennes de la Miséricorde, et Frères de la Sainte-Famille de Belley, du Frère Gabriel Taborin, et Frères de Sainte-Croix-du-Mans, et Frères de Sainte-Croix-le-Rougé...
Turba Magna, eût dit l'abbé Bremond.  Encore faudrait-il ajouter ceux qui, s'occupant plus spécialement d'orphelinats, relèvent peut-être plus de la charité que de l'éducation.  Et encore faudrait-il ne pas oublier les Christian Brothers et les saint Patrick's Brothers d'Irlande, et surtout ceux qu'on verra en Italie naître à l'appel de deux des grands saints de l'époque, Joseph Cottolengo et Jean Bosco ! Parmi tant et tant de fondateurs, aux vertus éclatantes, et que l'Église a souvent reconnus, toute velléité de choix se décourage d'avance. 

On aimerait cependant en mettre à part un, en raison d'une intuition qu'il eut, remarquable : le P. d'Alzon (1810-1880) qui, en fondant ses Assomptionnistes (auxquels s'ajouteront plusieurs branches féminines), ne les orienta pas seulement vers l'enseignement et les missions en terres païennes mais leur proposa un des plus grands moyens d'apostolat du temps présent : la presse.


Chez les femmes, 


la complexité est encore plus grande, nombre des fondations ne dépassant pas le cadre d'un diocèse, voire d'une paroisse, et les désignations étant encore plus voisines les unes des autres.  Ce n'est pas à dire que les fondatrices et les fondateurs n'aient pas des individualités fortes, et bien différenciées : plusieurs apparaissent même comme des figures puissantes, et leur existence, que de nombreux livres nous font connaître, sont pleines de hautes leçons spirituelles.
(Daniel Rops, Histoire de l’Eglise Tome X, l’Eglise des Révolutions , Ed. Fayard  (Rops): p. 902 sq)