samedi 30 juin 2018

IMMIGRATION: Ne pas s’embarquer dans un accueil inconditionnel (La Croix, 28/06/2018)

La question de savoir quel accueil réserver aux migrants est en apparence très simple. On est pour ou on est contre. Pour les uns, il y aurait d’un côté les gentils qui accueillent et les méchants qui refusent cet accueil. À l’inverse, pour d’autres, il y aurait les doux rêveurs dans un camp et les gens sérieux et raisonnables en face. Dans la Bible même, la figure de l’étranger est tantôt considérée comme un frère à accueillir (Lévitique) ou comme un ennemi, ou du moins quelqu’un dont il faut se méfier car il va semer le trouble dans la société (Deutéronome).
Entre les deux, on aurait envie de trouver une position médiane, harmonieuse, de façon à choisir une fois pour toutes une ligne de conduite. Mais c’est en fait très difficile car la réponse renvoie à deux horizons temporels et deux positionnements différents. Il y a d’abord l’horizon de l’immédiateté. Si je rencontre sur ma route un migrant en détresse, le comportement à adopter est à l’évidence celui du bon Samaritain : je dois m’arrêter et venir en aide à mon prochain. C’est cette figure que privilégient les associations ou les paroisses qui accueillent un réfugié. Mais une fois cette aide ponctuelle apportée, le bon Samaritain reprend sa route et ce qui advient ensuite ne le concerne plus. Or que va devenir le migrant ? Dans dix ans, sera-t-il un citoyen bien intégré ou viendra-t-il rejoindre une diaspora qui vit en marge de la société, voire lui est hostile ?
Il revient aux gouvernements de se poser ces questions à long terme et de définir des politiques qui en tiennent compte. Cette dimension temporelle qui incombe différemment à l’individu et à l’État sépare en quelque sorte une éthique individuelle et une éthique collective. Alors quel poids donner aux deux dimensions ? Où poser le curseur ? Je suis totalement d’accord avec les propos du pape qui affirme qu’on doit « accueillir, accompagner, organiser, intégrer »,mais avec « prudence », qui est la « vertu du gouvernement ».
Pour ma part, je trouve que la position du ministère de l’intérieur italien, qui considère les migrants non comme des personnes mais seulement comme des menaces dont il faut se protéger, n’est pas défendable, mais que la chancelière allemande Angela Merkel a manqué de prudence. Certains jugent la politique du gouvernement français outrancièrement hostile aux migrants, d’autres la trouvent outrancièrement laxiste. La cote mal taillée qu’il défend dans le projet de loi asile et immigration me semble plutôt raisonnable. Vouloir distinguer les migrants qui relèvent de l’asile et ceux qui partent pour des raisons économiques relève d’un certain bon sens. Il ne faut pas s’embarquer dans un accueil inconditionnel qu’on ne serait pas en mesure d’assumer. Et je comprends que la montée des populismes conduise l’État à être relativement restrictif, car il y va de la cohésion de la société à venir.
Philippe d’Iribarne Sociologue, directeur de recherche au CNRS, Auteur de Chrétien et moderne, Éd. Gallimard, 2016. 
Recueilli par Nathalie Birchem
(Article tiré du Journal La Croix du 28 juin 2018)
Voir: https://www.la-croix.com/Journal/Jusquou-pousser-sens-lhospitalite-2018-06-28-1100950735?utm_source=Newsletter&utm_medium=e-mail&utm_content=20180628&utm_campaign=newsletter__crx_subscriber&utm_term=1105696&PMID=7441f5f7f00d28332c71f7921d8d13a7

dimanche 24 juin 2018

L’Église en milieu rural (La Croix, 20/06/18)

Merci pour ces pages parlant de la situation de l’Église en milieu rural… (La Croix du 28 mai). Le rural va-t-il devenir un désert spirituel ? Nous portons cette question sur notre doyenné où nous avons entrepris une réflexion… 

Quand allons-nous arrêter dans notre Église catholique de tout faire tourner autour du prêtre et de l’eucharistie dominicale ? Hier, beaucoup de diocèses comme le nôtre ont mis en place de nouvelles paroisses regroupant plusieurs clochers. Aujourd’hui, compte tenu de la diminution des prêtres, on s’interroge sur de nouveaux regroupements : « pôles missionnaires », « pôles eucharistiques »… mais toujours en fonction du prêtre !
N’y aurait-t-il pas à approfondir la théologie du baptême où chaque homme et femme devient disciple missionnaire, prêtre, prophète et roi ! Quand un laïc préside des funérailles, ou une célébration de la Parole le dimanche, et qu’il commente la Parole de Dieu, il exerce son ministère de « prophète », en communion avec le prêtre qui l’a appelé !
Il y a quelques jours, une femme âgée qui avait conscience qu’elle arrivait en fin de vie a demandé qu’un prêtre vienne célébrer l’onction des malades… Il a fallu faire appel à un prêtre d’une paroisse voisine qui ne la connaissait pas…
N’y a-t-il pas sur sa paroisse un service évangélique des malades : l’une des personnes ne peut-elle pas, en étant désignée par le prêtre, vivre et célébrer ce sacrement ? Sinon il va lui aussi disparaître, car les chrétiens hésiteront à faire venir un prêtre qui est à 30 ou 40 kilomètres !
Le prêtre va-t-il être réduit à être un distributeur de sacrements ? Notre Église est encore très cléricale… Alors on bouche les trous avec des prêtres venant d’ailleurs… Oui, le rural deviendra un désert spirituel si on continue de tout faire tourner autour du prêtre et de la messe du dimanche.
Alphonse Limousin (Vendée) dans le courrier des lecteurs du Journal LA CROIX, du 20 juin 2018.

Les retraités chrétiens veulent faire entendre leur voix

Les 3es Journées du monde de la retraite, organisées par le Mouvement chrétien des retraités (MCR), s’ouvrent aujourd’hui à Lourdes.

Très actifs dans le monde associatif et au sein de l’Église, les retraités chrétiens désirent aussi porter leurs convictions dans la société.

À la banque alimentaire de Nice, l’an dernier. Les retraités chrétiens sont très investis dans le monde associatif. [...]


Des retraités chrétiens et non pas des chrétiens retraités : ce petit trait d’humour pourrait être la devise du Mouvement chrétien des retraités (MCR). Car les 40 000 adhé­rents, répartis en près de 5 000 équipes présentes sur tout le territoire, n’envisagent pas leur retraite comme un repli dans une tour d’ivoire à commenter, de loin, l’état du monde.

Organisées par le MCR, les 3es Journées du monde de la retraite (1) qui s’ouvrent aujourd’hui à Lourdes n’éludent pas les sujets qui fâchent ou divisent parfois la société : le vivre-ensemble, la famille, la santé ou encore l’écologie. Autant de débats sur lesquels les adhérents du mouvement veulent s’engager et affirmer leurs convictions. Avant la dernière élection présidentielle, le MCR avait déjà été signataire d’une tribune avec d’autres mouvements catholiques appelant les fidèles à « mettre en cohérence leur vote avec leurs convictions ».

Le désir de faire entendre leur voix est d’autant plus vigoureux qu’un certain nombre est mal à l’aise avec les changements parfois brutaux à l’œuvre dans la société. « Certains de nos membres peuvent être déboussolés ou même malheureux devant toutes ces évolutions, confirme Michelle Capon, responsable du mouvement dans le diocèse de Vannes. Il y a une peur de l’inconnu. Dans les débats actuels autour de la famille par exemple, le droit des enfants n’est pas beaucoup abordé. »

Pour autant, les retraités chrétiens du MCR, qui a vu le jour en 1961 sous le nom de Vie montante, ne sont pas des adeptes du « c’était mieux avant » ou du découragement. « Nous souhaitons témoigner de notre espérance », résume sobrement Marinette Merieau, responsable du MCR dans le diocèse de Poitiers. Le mot revient souvent dans la bouche des adhérents, bien conscients que, dans la société actuelle, il sonne parfois comme un défi.

« Les retraités sont parfois considérés comme une charge, déplore Henri Coudron, secrétaire général du MCR. Alors qu’au contraire, ils peuvent apporter leur expérience, je dirais même leur sagesse, en plus de leur disponibilité. Plus spécifiquement, les retraités chrétiens communiquent les valeurs issues de leur foi comme la solidarité, la justice, la liberté responsable, le don ou encore le respect de la dignité humaine. »

C’est guidés par ces valeurs qu’ils souhaitent s’exprimer sur les sujets d’actualité comme l’accueil des migrants, la révision des lois de bio­éthique, ou encore le dialogue avec les musulmans. Des sujets sur lesquels différentes sensibilités affleurent au sein du MCR où l’on veille à s’informer pour parfois lever des interrogations voire des réticences. Par exemple, à Mulhouse, c’est une rencontre avec un imam, en lien avec le Groupe d’amitié islamo-chrétienne, qui a été organisée ; ailleurs des tables rondes avec des spécialistes de la bioéthique.

Assurés que leurs convictions peuvent être utiles à la société, les retraités chrétiens veulent sortir d’« un certain entre soi » comme l’affirme Henri Coudron : « Au MCR, depuis quelques années, nous portons une ambition volontariste de dire à la société en quoi nous espérons et en quoi nous croyons. Parce que si nous ne le disons pas, il est certain que nous ne serons pas entendus. »

Des paroles et des actes. La plupart des adhérents du MCR témoignent par leurs nombreux engagements. « Certains de nos adhérents sont investis dans les soins palliatifs, dans les Ehpad, au sein de la pastorale de la santé ou la visite aux personnes malades, explique Chantal Boichon, responsable du MCR dans le diocèse de Clermont. D’autres sont davantage tournés vers la question des migrants et donnent des cours d’alphabétisation par exemple. » Une cohérence qui, selon eux, renforce leur crédibilité et leur chance d’être entendus, et pas seulement lorsque leurs voix sont convoitées avant des élections.

Oser dire en quoi ils croient touche le domaine sensible de la foi et de la transmission. Les retraités chrétiens sont souvent heurtés de voir leur famille s’éloigner de l’Église. Certains parlent même spontanément de « souffrance ». « Il ne faut pas avoir peur de dire ce qui nous anime, assure Chantal Boichon. Souvent nous n’osons pas alors qu’il peut arriver que certains de nos enfants et petits-enfants soient finalement demandeurs. »


Arnaud Bevilacqua, le 19/06/2018 dans le journal LA CROIX

samedi 23 juin 2018

L'Eglise et les excès de la finance

Je réagis au courrier publié le 8 juin et à votre dossier. Le titre d’abord du journal du 18 mai : « L’église s’attaque aux excès de la finance. » Cela fait longtemps que l’église s’est exprimée, notamment les évêques de France, me semble-t-il. En outre, tous les thèmes abordés font l’objet depuis des années de commentaires surabondants de tous bords, ce qui relativise le sentiment de nouveauté qui s’exprime dans vos colonnes. La technicité : le fait de reprendre quelques termes (compliance, offshore, dérivés, shadow banking, etc.) ne vaut pas analyse en profondeur. D’ailleurs les nouveaux instruments ne sont pas toujours responsables des excès : la crise de 2007-2008 peut être relue à partir de l’activité classique de crédit immobilier sur des exemples précis : Espagne, États-Unis, Grande-Bretagne. (…) 

Il faut plaider, à mon avis de façon plus précise que ne le fait le document romain, pour renforcer régulation et transparence : par exemple, interdire les transactions à haute fréquence, muscler les équipes des régulateurs, ce qui implique que celles-ci soient attractives donc rémunérées de façon comparable à leurs interlocuteurs des banques et investisseurs financiers, ouvrir les livres des shadow bankers et des banques qui les financent, entrer plus avant dans les secrets de l’offshore (et là on s’attaque à de fortes et dangereuses parties : des journalistes en meurent). Ces sujets sont graves et difficiles, le document du Vatican est nécessaire, pour autant on ne doit pas se sentir exonéré d’aller beaucoup plus loin et de marteler plus fort et plus nettement des propositions concrètes.

Gérard Laur (Paris)(Lu dans le courrier des lecteurs du Journal LA CROIX du 21 juin 2018)

Abus sexuels dans l’église

(…) La hiérarchie ecclésiale est certainement dépassée et désemparée par des événements que l’on ne saurait se contenter de qualifier d’accidentels et la « loi du silence » est souvent pavée de bonnes intentions. Le pape François relève avec courage qu’en la matière le « cléricalisme » qui caractérise le fonctionnement de l’église ne facilite pas les choses. C’est déjà un énorme pavé dans la mare institutionnelle, comme le pape François sait en lancer. Mais il me semble que l’essentiel est encore ailleurs. 
Il est de nature anthropologique et culturelle. Dans cette même édition du 4 juin, frère Michaël Davide Semeraro, bénédictin, remarque : «… notre façon de parler et de vivre la sexualité a changé. Autrefois jugée mauvaise en soi, la sexualité est aujourd’hui considérée comme un élément de notre vie spirituelle. Les prêtres eux aussi doivent la prendre en compte et traverser eux-mêmes leur propre humanité. » C’est la chape de plomb qui a pesé pendant des siècles sur une sexualité jugée comme intrinsèquement mauvaise qui a fait le lit de nombreuses névroses et perversions. Elle empoisonne encore bien des esprits, bien des conduites. 
Il s’agit maintenant de dénouer et de revisiter ce qui a été abusivement noué et rigidifié : sexualité et péché, sexualité et culpabilité. Rien de moins. Le sexe n’est pas le mal, ni donc une malédiction, même si le malin peut le subvertir comme tout ce qui est dans ce monde. 
Le chantier philosophique, théologique et pastoral requis est immense. C’est la reconnaissance de cette même sexualité comme un précieux cadeau, intrinsèquement bon, fait à tout homme et toute femme par le mystère de la Création et que chacun est appelé à habiter pleinement pour aller au bout de son humanité qui ouvrira sans aucun doute pour chacun un chemin de libération, de guérison et d’accomplissement, un chemin respectueux de soi et des autres. « Nous devons nous laisser interroger plus largement, sur la manière dont l’église prend en considération la dimension affective et sexuelle dans la vie de foi », dit encore Frère Semeraro. C’est une profonde révolution culturelle mais l’enjeu en vaut la peine, pour l’avenir de l’église, le bien-être de ses clercs et de ses fidèles, et la qualité de son image dans le monde.
Jean Conrad (Bouches-du-Rhône) (Dans le courrier des lecteurs du journal LA CROIX du 21 juin 2018)

mercredi 20 juin 2018

Des traitements naturels pour un jardin sain


Noémie Vialard , le 16/06/2018 dans le Journal LaCroix
 
Il existe de nombreuses astuces pour venir à bout des désagréments touchant nos cultures, sans avoir affaire à des produits polluants et toxiques.

Comme insecticide et fongicide, les tisanes, décoctions et purins de plantes portent secours aux autres plantes. Ces extraits contribuent à l’équilibre et à l’harmonie du jardin. Avec fermentation ou non, ils viennent en complément d’un bon entretien du jardin.

Le plus connu, c’est le purin d’ortie : stimulant, fournisseur d’aliments assimilables rapidement, il offre aux végétaux une résistance accrue aux maladies et aux ravageurs.

Si la consoude possède les mêmes qualités, bien d’autres plantes sont fort utiles, car, riches en oligo-éléments, azote, potassium et magnésium. Et surtout, certaines associations, comme l’ortie et la consoude, sont de vrais remèdes miracles. Ces extraits ne sont pas à proprement parler des insecticides ou des fongicides. Ce sont surtout des appuis de croissance et de force pour les végétaux, leur permettant de lutter, et des aides à la vie microbienne du sol.

Mais en plus de ces préparations à base de plantes, on peut concocter des mixtures composées de produits naturels : par exemple, avec du bicarbonate de soude, du savon noir ou de l’huile végétale, on fabrique un insecticide.

Avec de l’argile, une infusion de prêle, toujours du bicarbonate de soude, et quelques gouttes d’huile essentielle de thym, on cuisine un fongicide.

Il existe un tas de combines pour éliminer les limaces, comme la bière dans laquelle, gourmandes, elles viennent se noyer.

Pour désherber ? Essayez le vinaigre blanc ou l’eau de cuisson, bouillante, des pommes de terre… Les huiles essentielles de citronnelle, de géranium rosat, d’eucalyptus sont des anti-moustique efficaces… (La Croix du 16/06/18)


La consoude

 La consoude est une plante vivace très robuste, à la floraison très décorative. Cette belle plante fait partie de la famille des Boraginacées. Elle serait originaire d’Europe et d’Asie septentrionale. Ses grandes feuilles vertes, rugueuses et velues sont portées par des tiges poilues. Ses jolies clochettes de différentes couleurs fleurissent de mars à août selon les espèces.
La consoude est utilisée depuis 2 000 ans en médecine traditionnelle. Elle est utilisée aussi de nos jours dans le traitement des contusions ou des entorses. Elle favorise la cicatrisation des blessures. Elle dispose de propriétés émollientes et expectorantes.
En cuisine, elle servait autrefois comme composant dans les salades ou les soupes. Elle a aussi été utilisée comme plante fourragère grâce à sa haute teneur en protéines et sa faible teneur en cellulose. On la considérait comme un aliment de choix pour les volailles et les porcs.
Attention : la consoude contient des pyrrolizidines, qui sont des substances très toxiques pour le foie, pouvant causer des troubles hépatiques graves. De ce fait, il est recommandé de limiter l’usage de la consoude aux applications externes.


Voir ce que dit "wikipedia" de cette plante et regarder des reproductions


« Le narcissisme séducteur peut devenir un piège »

Père Jean-François Noël Curé à Istres (Bouches-du-Rhône) et psychanalyste

Selon le père Jean-François Noël, si certains prêtres éprouvent des difficultés à vivre le célibat, c’est par besoin de validation.

On pointe souvent la solitude, le manque de reconnaissance et de perspective d’avenir pour expliquer le départ de certains prêtres. Ces explications ne semblent toutefois pas convenir pour des cas récents, comme celui de David Gréa…

Père Jean-François Noël: Pour les prêtres à succès, le piège est grand de tomber dans le narcissisme séducteur. Séduire – du latin seducere, « conduire à soi » – est une manière de combler le manque, inhérent à tout être humain. Car, pour chacun, la question lancinante est celle de la validation de son existence, de la certitude d’être aimé au-delà de tout. Tant que l’on est enfant, les parents remplissent ce rôle. De même, le conjoint pendant les premières années de mariage. Mais tôt ou tard, l’époux ou l’épouse, le cercle familial et amical ne suffisent plus pour me garantir que ce que je vis est bien. De fait, le seul qui puisse valider mon existence – et pas seulement pour cette vie terrestre –, c’est Dieu. Même un athée a besoin d’une telle validation.

Ce sont donc souvent des prêtres plutôt mûrs qui, se retrouvant aux prises avec une impossibilité à valider les efforts de leur vie pastorale, peuvent partir pour une femme, pour tenter de répondre à la détresse dans laquelle ils se trouvent.

Ce besoin de reconnaissance et de validation, commun à tous, se vit-il différemment dans le célibat?

P. J.-F. N.: Je suis persuadé qu’il n’est pas plus difficile d’être célibataire que d’être marié. Mais dans la vie conjugale, il y a toujours une altérité, tandis qu’un prêtre n’a personne face à lui pour l’interroger sans cesse. La difficulté du célibat sacerdotal, ce n’est donc pas tant la frustration affective que l’effacement de l’autre. Dit autrement: le narcissisme séducteur relève surtout d’un problème de chasteté psychique et non pas d’abord de chasteté sexuelle.

Il est facile, pour un prêtre intelligent et non dépourvu de charme, de s’enivrer de sa réussite et de son pouvoir, justifié à ses propres yeux par son travail d’évangélisation. Mais c’est un piège qui illusionne. Certes, les prêtres ont des rencontres régulières entre confrères, mais ces lieux fraternels ne remplissent pas assez ce rôle de relecture.

Pour un prêtre, quelle serait alors la solution pour sortir de la griserie de la séduction?

P. J.-F. N.: La séduction comme le pouvoir sont des addictions: il est difficile de s’en sevrer quand on y a pris goût. Un curé jouit d’un immense pouvoir dans sa paroisse. Pour se sevrer de cette addiction, la solution est de créer de l’altérité, d’avoir un autre en vis-à-vis. Or certains prêtres vont se servir effectivement d’une rencontre amoureuse pour créer cette altérité. Mais l’altérité peut être trouvée autrement. Ce qui sauve, ce n’est pas de réussir et d’avoir du succès, mais c’est de s’entendre dire?: « Tu es pauvre et pardonné. » Cette vraie validation est semblable à celle que vivent des conjoints âgés qui se disent mutuellement?: « Je t’aime comme tu es. » (LaCroix 18/6/18)
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Recueilli par Claire Lesegretain , le 18/06/2018