lundi 20 novembre 2017

Découvrir l'islam

« L’Islam ne s’est pas contenté de régner sur un vaste empire qui enfermait les chrétiens en Europe. Il ne se nourrissait pas seulement des trafics marchands à travers l’Asie, l’Afrique et l’Espagne.
Il brillait aussi de tous les feux de la culture, ayant retrouvé en Syrie et en Iran, les traductions des grands auteurs de l’Antiquité classique. Juifs et chrétiens enseignaient dans les universités aux côté des musulmans, à Bagdad comme à Cordoue et à Tolède. C’est même sur la base des grands livres encyclopédiques des maîtres musulmans que la scolastique chrétienne prit son essor à partir du XIII° siècle. » (Jean Boisonnat, Dieu et l'Europe, p. 24)


Pour connaître l’islam on peut écouter l’une des conférences du Père François Varillon qui sait mettre l’essentiel en lumière.

Première partie: Le Dieu de la Bible, Dieu du Judaïsme, du  Christianisme et de l'islam


Deuxième partie: l'islam et l'incarnation



Troisième partie: Découvrir le CORAN


Quatrième partie: Le CORAN (suite)


Cinquième partie: Le CORAN ET LA BIBLE


Sixième partie: Dialogue nécessaire en évitant le compromis facile









vendredi 17 novembre 2017

Les non-pratiquants, des fidèles comme les autres ?

(article paru dans LA VIE, du 9 novembre 2017. Interview de Valérie Le Chevalier pour son livre: "Ces fidèles qui ne pratiquent pas assez... Quelle place dans l'Eglise? Lessius)
Valérie Le Chevalier est chargée de deux cycles de formation au Centre Sèvres à Paris et animatrice en pastorale scolaire.
Pourquoi vous êtes-vous intéressée aux fidèles non pratiquants ?
Lors de mon travail pastoral dans des établissements scolaires, j'ai préparé des confirmations, des professions de foi, des baptêmes... Et je me suis rendu compte que je ne croyais pas souvent à la sincérité des demandeurs. Du coup, je me posais comme censeur de la légitimité de leur demande, jugeant leur foi à l'aune de leur pratique.
Mais qui suis-je pour estimer qu'un enfant n'est pas sincère ? Qui empêche qu'il soit baptisé ? Et puis, on m'a dit à plusieurs reprises que je ne pouvais pas faire un travail de théologie sur les non-pratiquants, car la question relevait de la sociologie.
Comment expliquez-vous ce désintérêt théologique ?
Je crois qu'il est assez coûteux d'admettre que le statut des laïcs et leur foi ne sont pas uniquement liés à la pratique. Leur foi n'est pas reconnue dans sa spécificité, mais calée sur le format du religieux. En accentuant le trait, on peut dire que le laïc, s'il n'est pas observant comme un religieux, n'est rien. Au XIIe siècle, le décret de Gratien (corpus de textes juridiques ecclésiaux, base du droit catholique jusqu'au Code de droit canonique de 1917) a défini trois statuts bien distincts : clercs, religieux et laïcs. Un peu plus tard, au XIIIe siècle, le IVe concile de Latran a fixé que chaque fidèle devait « faire ses Pâques » chaque année, la communion étant devenue à cette époque quasiment impossible, voire interdite pour les simples fidèles. L'histoire de l'Église nous enseigne que les laïcs ont toujours eu un statut considéré comme incomplet. 
Que disent les Évangiles des diverses catégories de fidèles ?
Jésus mène une stratégie de transmission. Pour annoncer le Royaume, il lui faut des ouvriers spécifiques, qu'il met en responsabilité : les disciples et, parmi eux, les apôtres (ceux qui sont avec lui lors de la Cène). Jésus appelle les disciples – « Viens, suis-moi » – qui portent la foi à l'interface avec la société.
Ensuite viennent les foules, en qui on peut voir les baptisés d'aujourd'hui qui continuent à demander à l'Église une offre de salut. Jésus dit à plusieurs personnes qu'il a guéries ou pardonnées : « Va. Rentre chez toi, ta foi t'a sauvé. » La rencontre a porté du fruit, bien que ces anonymes ne soient pas devenus des « disciples », puisqu'ils ont témoigné. Ils font penser aux baptisés éloignés de l'Église.
Pour vous, c'est donc le baptême qui fait le fidèle ?
La foi ne doit pas être quantifiée par des statistiques et tout baptisé reste nécessaire à l'annonce du Royaume. Le simple baptisé est fertile, au moins potentiellement, car incorporé au corps du Christ. Si l'on considère que, par le baptême, Dieu fait alliance avec une personne, alors on ne peut pas imaginer que cette alliance ne continue pas de travailler en elle, ou alors c'est la puissance même de Dieu qu'on met en doute. Penser qu'en l'absence de pratique un baptême est perdu relève de la méconnaissance de la définition du sacrement et, pis, d'un manque de foi en Dieu. Bien sûr, on peut dire que ce baptême n'est pas accompli, qu'il reste en jachère... Mais la graine semée reste intacte et disponible. 

Il arrive que des prêtres répondent négativement à une demande de sacrement quand ils ne sentent pas la foi du demandeur. Qu'en pensez-vous ?

Pour moi, il s'agit d'un pur scandale, d'une injustice contraire à l'Évangile et au droit canon. Un sacrement est avant tout une promesse, tout le travail est à venir. Qu'est-ce qui nous fait préjuger qu'il ne se passera rien ? Jésus ne refuse jamais la guérison de quelqu'un. Il dit : « Ta foi t'a sauvé. » Un homme baptisé qui se dit incroyant et qui va se marier à l'église pour faire plaisir à sa future femme ou à sa grand-mère, parce que cela compte pour elle, manifeste un acte de confiance très honorable. Tous les baptisés doivent être appelés « fidèles », même ceux qui sont éloignés de l'Église. Les qualificatifs de « fidèle » et de « pratiquant » ne sont pas de même nature.
Reconnaissez-vous tout de même que la faible fréquentation des églises pose un problème à la communauté ?
Oui, mais on ne sauvera pas la boutique en n'honorant pas ou à regret les demandes des non-pratiquants. Un vrai travail théologique est à mener sur ce que l'on entend par « peuple de Dieu ». On pense l'Église de manière trop étriquée. Qui décide de la foi des laïcs ? Certains estiment qu'ils doivent justifier leur foi par leur pratique, alors que Jésus , lui, ne le demande à personne.

Dans le texte conciliaire sur la liturgie Sacrosanctum concilium, c'est toute la liturgie qui est première, non l'eucharistie. Or, une personne éloignée de l'Église est très sensible à la liturgie lors de la préparation d'un baptême ou de son mariage. elle veut que ce soit beau, sans pour autant posséder les clés de compréhension. Elle fait confiance à l'institution.

Cela étant posé, l'eucharistie demeure essentielle, car elle représente l'élément central de la sanctification du monde. Par ce geste, nous remettons le monde au Christ en mémoire de lui et pour la multitude. Et les non-pratiquants manquent, car ils ne sont pas là pour apporter leur vie, alors que ce geste relève de leur responsabilité de baptisés. Je ne les exonère pas de leur absence. Mais par ailleurs, je regrette que la pratique eucharistique soit devenue un élément de comptabilité. Au lieu de rassembler, elle distingue les fidèles. Cela empêche Dieu de faire la fête avec ses enfants. C'est lui le grand perdant.
L'eucharistie paraît réservée aux purs. Or l'Évangile du fils prodigue nous dit au contraire qu'il convient de se présenter tel qu'on est, sale, en apportant toute la crasse du monde et de nos vies. Sinon, le sacrement ne sert pas à grand-chose. Personne n'est digne de l'eucharistie. C'est elle qui purifie et restaure.
Si le sacrement est donné pour la multitude, pourquoi celle-ci devrait-elle être présente ?
Car en s'incarnant, Dieu signifie qu'il a besoin des hommes. Dès la création, il associe l'humain à son projet. Jésus aurait-il pu se passer de ses disciples, apôtres et divers compagnons ? Nous devons retenir que chaque personne est un maillon indispensable au projet de Dieu et que l'eucharistie consacre cela.
Quelle responsabilité attribuez-vous aux laïcs engagés, pratiquants ?
Avons-nous invité les non-pratiquants tels qu'ils sont ? Leur disons-nous que nous les aimons et qu'ils nous manquent ? Nous, les laïcs engagés, devons être passeurs. Si notre mission est d'annoncer la foi, nous devons être crédibles et inspirer la confiance. Mais si nous ne croyons pas à la parole de la personne devant nous, nous aurons beau parler, témoigner, évangéliser, il n'y a aucune raison pour qu'elle nous croie en retour. Cette personne éloignée de l'Église doit se sentir légitime à parler de sa foi, reconnue. Et notre rôle est de l'aider, de lui demander de parler de ce qu'elle croit, pas de sa pratique. Nous ne pouvons pas nous passer de ces croyants, autant importants là où ils sont que nous « à l'intérieur ».
Votre livre décrit une situation, mais que proposez-vous pour la faire évoluer ?
Mon livre développe une question politiquement incorrecte. Les réponses sont à trouver dans un chantier à ouvrir. Je travaille dans l'Église, je l'aime, je crois profondément qu'elle est une chance dans le monde. Hélas, elle ne semble s'intéresser qu'aux potentialités d'une toute petite partie d'elle-même, laissant en jachère 90% de ceux qui pourtant la composent. C'est un énorme gâchis, dans lequel tout le monde est perdant.

Au bout du fil, une écoute bienveillante

Ceux qui n’ont personne à qui confier leur détresse peuvent se tourner vers des associations comme SOS Amitié.


Ils ne savent pas avec qui partager leur détresse. Mais, ils ne sont pas tout à fait seuls. Ils peuvent se confier aux bénévoles de
Suicide Écoute,
SOS Chrétiens à l’écoute,
SOS Suicide Phénix,
Agri’écoute ou
SOS Amitié.
Cette dernière association regroupe à elle seule 1 600 « écoutants », spécialement formés. « Mais nous ne sommes pas des thérapeutes », rappelle Alain Mathiot, le président de SOS Amitié.
Si « l’écoute par écrit » s’est développée sur Internet, l’usage du téléphone reste très majoritaire dans ce type d’échange. « Depuis notre création, en 1960, les fondements même de notre écoute n’ont pas changé, poursuit le responsable associatif. C’est une écoute bienveillante et sans a priori, ni jugement et conseil, qui respecte strictement l’anonymat et la confidentialité. »
Depuis dix ans, les appels ont fortement augmenté sur les lignes de SOS Amitié, pour atteindre les 700 000 par an. « Nous sommes un miroir de la France qui souffre », constate Alain Mathiot. « Ce n’est pas vraiment de l’amitié, on reste parfaitement inconnu l’un à l’autre, on ne se lie pas, observe de son côté Romain Huët, maître de conférences à l’université de Rennes 2, qui étudie ces dispositifs d’écoute. C’est un lieu de soutien, de l’urgence. On desserre l’angoisse. Mais on sent que cette souffrance est une matière explosive. »
Pour l’universitaire, écouter revient d’ailleurs aussi à gérer « un potentiel agressif »« L’écoute est une forme de gouvernement de la personne, souligne-t-il. Je me demande dans quelle mesure ce genre de dispositif n’incite pas à individualiser la souffrance, pour la vider de tout sens politique. Il y a, me semble-t-il, un excès de psychologisation et une incitation à l’accommodement à la vie qu’on mène. »
Mais Alain Mathiot croit en l’utilité d’associations comme la sienne. « Souvent les gens qui nous appellent sont déjà passés par d’autres structures, rappelle-t-il. Comme nous fonctionnons 24 heures sur 24, nous sommes le dernier recours. L’idée est d’arriver à ce que les gens qui vont très mal arrivent à se reprendre un petit peu en main. Cela ne marche pas toujours. Mais c’est quand même notre objectif. » (Paru dans le journal LA CROIX le mardi 14 novembre 2016)

Pascal Charrier

lundi 13 novembre 2017

Les MOOCS - théologie, catéchèse ou droit canonique sur Internet

Apparus aux États-Unis en 2012, les Moocs (acronyme de Massive Open Online Course) sont des formations en ligne ouvertes à tous et souvent dispensées sous la forme de vidéos.
Depuis deux ans, en France, diocèses et centres de formation catholiques se mettent à proposer de tels cours à distance.
Le Mooc de théologie du Collège des Bernardins recense 16 000 inscrits.
Chaque dimanche soir, à minuit une, Michèle Monchalin reçoit sur son ordinateur un nouveau cours de Sinod, le Mooc de théologie du Collège des Bernardins.
Parfois, incapable de résister, cette sexagénaire vivant au sud de Lyon s’assied immédiatement à son ordinateur, ouvre sa Bible, et s’empresse de visionner ces vidéos pédagogiques qu’elle trouve si « appétissantes ». « Au début, mes nuits du dimanche au lundi y passaient… Heureusement que je suis retraitée ! » Quand elle est plus raisonnable, Michèle attend le début de semaine pour se plonger dans ces cours de théologie en ligne qui rythment son quotidien depuis bientôt deux ans.
Comme elle, ils sont désormais 16 000 en France et dans le monde francophone à être inscrits sur cette plateforme virtuelle.
Depuis son lancement début 2016, Sinod a déjà proposé quatre cours en ligne, s’étalant sur trois mois chacun, à raison de deux heures de travail hebdomadaires pour les participants. Ces cours ont porté sur la Bible, les sacrements, Jésus et, en ce moment, le péché originel.
« Le niveau est excellent », se réjouit Gaëlle de Frias, qui se connecte à Sinod depuis Brest. Cette mère de famille a beau être déjà titulaire d’un master de théologie, cette formation ouverte à tous ne l’ennuie pas. Imaginée par de solides théologiens, elle sollicite des ressources pédagogiques diverses, outre les vidéos de cours : textes complémentaires, œuvres picturales, quiz… Le tout sanctionné par un examen final en ligne. « C’est un mode de transmission moderne et surtout gratuit et ouvert à tous, résume Florian Quittard, chargé de Sinod au Collège des Bernardins. Cela permet d’abolir les barrières financières et géographiques qui empêchaient beaucoup de gens, jusqu’ici, de se former à ces matières. »
L’aspect grand public des Moocs demande aux enseignants qui les conçoivent un effort pédagogique. « Et cet effort est particulièrement grand pour nos sciences ecclésiastiques, où nous avons habituellement, dans nos cours, un public qui nous est acquis », souligne le père Cédric Burgun, vice-doyen de la faculté de droit canonique de la Catho de Paris.
Le Mooc qu’il a lancé l’an dernier avec deux autres enseignants de droit canonique, « Loi des hommes et loi de Dieu », a été suivi par 5 800 personnes (dont 30 % ont passé l’examen final). « Parmi les inscrits, il y avait des catholiques engagés, mais aussi des athées et des personnes d’autres religions. Notamment des juristes voulant en savoir plus sur ce droit spécifique à l’Église. »
Les catholiques qui suivent ces Moocs voient parfois en Internet une manière de remédier au manque de formation des laïcs en paroisse, ou encore de participer à des formations qui leur demanderaient une présence trop importante. Telle est ambition du diocèse de Paris, qui vient de lancer un Mooc à destination des catéchistes. « Plutôt que d’essayer de faire entrer les gens dans notre emploi du temps, nous avons décidé d’entrer dans le leur », résume Emmanuelle Bergerault, qui coordonne ce projet. En neuf semaines, les 9 000 inscrits peuvent ainsi se former à la catéchèse « du fond de (leur) canapé », comme le promet le site du diocèse. Mais peut-on se former à de telles matières derrière un écran ? Natalia Trouiller, fondatrice du site d’évangélisation numérique Noé 3.0, émet quelques réserves. « Le christianisme est une religion de l’incarnation, rappelle-t-elle. Pour connaître Jésus, il faut aller à la rencontre de ses frères, pas rester seul dans son coin… »
Une objection à laquelle les intéressés semblent préparés. « Le Mooc a toujours un début et une fin dans le temps, ce qui permet une réelle interaction entre les participants, ainsi qu’avec l’enseignant », explique Florian Quittard pour Sinod. Cette « communauté d’apprenants » échange notamment sur un forum de discussion prévu à cet effet. « Nous y abordons des questions très profondes, et certains autres participants sont devenus des amis, même si je ne les ai jamais rencontrés en vrai », renchérit Michèle Monchalin, qui signe certains de ses commentaires d’un facétieux « Amicalement vôtre ».
Ces cours à distance finiront-ils par supplanter la formation en présentiel, qui connaît un certain succès auprès des laïcs depuis une quinzaine d’années ? Non, assurent unanimement les structures concernées. « Il ne s’agit pas tant d’un approfondissement que d’une porte d’entrée vers un savoir difficile d’accès », explique le père Cédric Burgun à la Catho de Paris. Aux États-Unis, où les Moocs sont nés, la tendance manifeste en tout cas des premiers signes d’essoufflement.  - Mélinée Le Priol
(Article paru dans le journal LA CROIX, édition du 10 novembre 2017)




mardi 7 novembre 2017

La discrétion de Dieu

Dieu seul respecte absolument la liberté de l’homme. Il l’a crée: ce n’est pas pour la pétrifier ou la violer. C’est pourquoi jamais il ne crie ni n’impose. Il suggère, il propose, il invite. Il ne dit pas “Je veux”, mais “Si tu veux…”
Des expressions comme “commandements de Dieu”, “volonté de Dieu” doivent être critiquées, comprises selon l’amour. Dieu ne reproche pas: il abandonne ce soin à notre conscience. “Il est plus grand que notre cœur” (1 Jn 3, 20).
Il reste caché pour ne pas être irrésistible; son invisibilité est pudeur. Il ne veut pas que nous puissions  le “prouver” de telle manière que notre raison soit contrainte. L’indiscrétion, incompatible avec la majesté, signifierait une extension de l’amour de soi: cela même que finalement nous discernons à la racine de nos impérialismes et de nos cléricalismes. Mais la voix de Dieu se distingue à peine du silence: c’est une “voix de fin silence”. (François Varillon - L’humilité de Dieu, Bayard, p. 136)