samedi 9 novembre 2019

Abus sexuels et cléricalisme

Faire la vérité
" Nous, jésuites, encourageons les victimes à témoigner " La Compagnie de Jésus en France a publié, mercredi 3 juillet [2019], un appel dans lequel elle encourage les victimes de jésuites à se faire connaître de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église et de sa propre cellule d’écoute.
Son provincial le père François Boëdec explique en quoi ces témoignages sont importants, pour les victimes, pour l’Église et pour la Compagnie elle-même. (Relevé dans la Revue Etudes, avril 2019, article de Hervé Legrand) 

On revient de loin
Dans l’Eglise, les laïcs ne semblent jouir que des droits revenant à des citoyens étrangers, résidents et protégés ; les clercs seuls y jouissent de la pleine citoyenneté. Ce code [le Code de droit canonique de 1917, en vigueur depuis 1983].
Ce Code ignore le peuple de Dieu en son unité, car il ne connaît que des laïcs subordonnés en tout aux clercs qui leur sont supérieurs jusque dans la mort. Ce Code est le reflet fidèle de l’ecclésiologie de l’époque, tel que saint Pie X l’expose dans une encyclique adressée à l’Eglise de France :
« L’Eglise est par essence une société inégale, c’est-à-dire comprenant deux catégories de personnes, les pasteurs et le troupeau […]. Ces catégories sont tellement distinctes entre elles que, dans le camp pastoral, seuls résident et le droit et l’autorité nécessaire pour diriger les membres de la société ; quant à la multitude, elle n’a d’autres droits que celui de se laisser conduire et, troupeau docile, de suivre ses pasteurs. » (Revue Etudes, avril 2019, article de Hervé Legrand,

« Sur le plan de la foi, l’évêque est docteur. Le dialogue entre l’évêque et les laïcs chrétiens est certes possible, mais le laïc ne peut qu’être enseigné, que recevoir. Il est pris en charge par la hiérarchie. C’est un signe de comportement adulte que d’accepter sa condition » ibidem. (citation de « Masses ouvrières, janvier 1960, p. 7) 

Une Eglise avec un visage non de grandeur et de domination
« Il y a cent ans (1905), en France, l'Église s'est insurgée parce que le pouvoir politique allait l'obliger à être pauvre. Et cela s'est transformé en bien pour elle. Aujourd'hui l'Église qui, à nouveau, sous l'influence de Jean-Paul II, se voulait maîtresse de vérité et de morale, dans son désir de briller aux yeux des hommes par le retour aux pompes et aux ors, se trouve humiliée parce que son vrai visage se trouve rendu public, bien malgré elle. 
Cette situation, ressentie comme une humiliation ou une attaque démoniaque, peut se transformer en réelle humilité et permettre à l'Église de donner au monde un visage non de grandeur et domination, mais le visage du Christ au Jourdain et sur le chemin de la Croix. »
 (https://baptises.fr/content/je-ne-demande-pas-a-leglise-detre-parfaite) 

 « Le scandale de la pédophilie dans l’Église n’est pas qu’une crise de plus.
« Cette fois, la crise est intérieure. L’Église n’est pas attaquée par un ennemi extérieur. C’est le cœur même du système qui est touché » écrit Christine Pedotti (p. 111).
Quel est ce système ? C’est celui que l’Église a mis en place lors de
la contre-réforme et qui repose sur la personne du prêtre. Ainsi « tout tient sur le clergé… Les trois grandes fonctions de l’Église sont concentrées entre les mains des seuls prêtres de façon totalement exclusive. Ce sont eux qui célèbrent le culte, eux qui ont le privilège de l’enseignement et de la prédication, eux encore qui disposent de l’autorité, qui décident et gouvernent. Célébrer, enseigner, gouverner ; tout est dans les mains d’une minorité, hommes et célibataires, distingués du reste du peuple… » (p. 112). "Qu’avez-vous fait de Jésus ? – Lettre à ceux par qui le scandale est arrivé"
Par Christine Pedotti (Éd. Albin Michel, 2019, 180 pages, 15€)