lundi 4 décembre 2017

A propos des Parcours Alpha

Le Parcours Alpha est une série de repas conviviaux, ouverts à tous, où chacun peut venir s’interroger et échanger, avec d’autres, sur le sens et les questions essentielles de la vie. Les parcours proposés par Alpha sont centrés sur la découverte de la foi chrétienne : Alpha Classic, Alpha Jeunes, Alpha Campus, Alpha Pro, Alpha Prison, Alpha Pro et d’autres sur la construction et la consolidation de la famille : Parcours Couple, Parcours Duo, Parcours Parents.
Un Parcours Alpha est toujours proposé en lien avec une paroisse ou une église, au sein d’une communauté chrétienne locale, en accord avec le curé ou le pasteur et sous son autorité. En 2017, environ 32 000 personnes ont suivi l’un de ces parcours, organisés et animés par un réseau de 9 000 bénévoles.

L’association a aussi développé, en partenariat avec l’association Talenthéo, un parcours intitulé « Des Pasteurs selon mon Cœur » qui prépare des prêtres au gouvernement de leur communauté paroissiale, dans une nouvelle dynamique de croissance de l’Eglise : près de 800 prêtres ont déjà suivi ce parcours en France. Un parcours similaire « Pasteurs Leaders » est également proposé pour les pasteurs.

L’association Cours Alpha France

C’est une association Loi 1901 dont la finalité est d’être un outil au service des paroisses et des églises en France, grâce à la générosité de ses donateurs. Une équipe nationale d’une quinzaine de permanents ainsi que des équipes régionales bénévoles, couvrant tous les départements, les aident à mettre en place et à développer les parcours au niveau local. Ces équipes travaillent notamment à la publication de ressources pédagogiques, de supports de communication, et à la formation des bénévoles lors des rencontres Alpha.
Le conseil d'administration
(source: "Alpha France" <contact@parcoursalpha.fr> 23 novembre 2017)

Le parcours de foi d'une victime d'un prêtre pédophile pour retrouver Dieu

Voir: http://www.lavie.fr/spiritualite/temoins/le-parcours-de-foi-d-une-victime-d-un-pretre-pedophile-pour-retrouver-dieu-19-04-2017-81524_688.php

Parce qu'elle a subi l'agression répétée d'un homme d'Église, Véronique Garnier a vacillé dans sa foi. Elle nous raconte comment, sans perdre de vue ni Jésus ni l'Esprit saint, elle renoue petit à petit avec Dieu.



C'était il y a cinq ans.

Tremblante, j'entrai dans le bureau de Jacques Blaquart, l'évêque de ma ville, Orléans. La femme d'une cinquantaine d'années que j'étais se répétait que tout irait bien ; la fillette de 13 ans et demi que j'ai été me criait de sortir, qu'être seule avec un prêtre était dangereux. Je lui ai vite exposé la raison de ma visite : « Je viens pour essayer de me réconcilier avec l'Église. » Son large sourire du début de notre entretien a fait place à un visage grave. « Enfant, j'ai été abusée par un prêtre. » J'ai lu la douleur sur ses traits. Il était la première personne de l'Église qui ne restait pas de marbre, ou gênée, face à mes paroles. Sa sensibilité m'a touchée. Depuis, son accompagnement et son écoute me réparent.

L'abus sexuel est une explosion intérieure 

Au-delà de la blessure physique et psychique, c'est ma vie spirituelle qui a éclaté. Je vis avec une foi abîmée depuis ce 20 avril 1975, où un homme qui célébrait la messe, qui sanctifiait les offrandes de ses mains, a posé ces mêmes mains sur moi alors que j'avais un peu plus de 13 ans. Ce prêtre, par ses gestes, a sali les sacrements qu'il a pu me donner et a volé ma relation à Dieu. À 15 ans, je lui ai imposé de ne plus me toucher. Plus tard, étudiante, m'est venue une question : voulais-je encore être chrétienne ? J'ai choisi d'avoir une vie de foi pleine et entière, mais je ne me suis plus retrouvée dans l'Église.

L'Esprit saint m'a guidée 

Je l'ai découvert dans la communauté du Chemin neuf, que j'ai commencé à côtoyer à Lyon en 1982. Je venais pour suivre une formation de trois mois, j'y suis restée 30 ans. J'y ai rencontré mon mari, et nous avons longtemps vécu en « fraternité de vie » avec d'autres familles. Nous avons eu huit enfants, et j'ai beaucoup aimé m'occuper d'eux. Je vivais pleinement mon rôle de mère au foyer, heureuse, alors qu'une partie de moi était morte, ensevelie.

Par miracle, je n'ai jamais cessé de prier Jésus


On dit que la Trinité, ce n'est pas découper Dieu en trois ; pourtant, cette séparation entre Dieu, Jésus et l'Esprit saint a été mon salut. En colère contre le Père, j'ai gardé le Christ près de moi. Même dans les années de doute – notamment quand, en 2009, je n'ai plus trouvé ma place au Chemin neuf ou, en 2010, quand les scandales de pédophilie dans l'Église ont fait remonter mon traumatisme –, j'ai continué à aller à la messe le dimanche. Souvent, je me tenais au fond de l'église, sans pouvoir ni parler ni chanter. Je ne désirais que recevoir l'hostie. Jésus était alors en moi, c'était un acte, je le voyais. Les paroles autour ne me rejoignaient plus, je ne les croyais plus. Mon tourment était permanent : la confiance étant rompue envers les prêtres, je craignais que la célébration ne soit que du théâtre, et que Jésus me soit « volé » sans que je le sache.

Mon chemin est long, pourtant il est extraordinaire

L'impossible s'y produit. La transformation, presque miraculeuse, s'opère jusque dans mon lien à Jésus. Longtemps, à Pâques, je descendais aux enfers avec Lui. Je le rejoignais dans sa souffrance, je le suivais sur son chemin de croix. Mais la Résurrection était pour le fils de Dieu, pas pour moi... Il y a trois ans, à mi-parcours dans mon travail spirituel avec Mgr Blaquart, lors de la lecture de la Passion, j'ai senti que Jésus s'est approché de moi, est descendu dans mon abîme, a partagé ma souffrance. Alors seulement j'ai compris qu'il venait, Lui, me relever. Ce 20 avril, 39 ans jour pour jour après que ma vie eut basculé, j'ai été bouleversée : la mort, inscrite en moi, était entraînée dans la Résurrection.

Dans mon histoire, la relation à Dieu comme Père a été la plus abîmée

Enfant, on m'a appris que Dieu était tout-puissant et qu'Il m'aimait. J'ai prié pour que le cauchemar cesse, mais ça ne s'arrêtait pas. Je comprends aujourd'hui que Dieu nous a créés libres et que si l'on veut faire le bien, alors Il est tout-puissant ; sinon, Il perd tout pouvoir face au choix de l'homme de faire le mal. Je me suis sentie abandonnée par Dieu si longtemps que revenir à Lui n'est pas facile. Si je me suis toujours confessée régulièrement, par devoir, je ne me suis plus confiée à partir du jour où un prêtre m'a refusé l'absolution quand j'ai laissé éclater ma colère contre Dieu. Aujourd'hui, en me laissant exprimer ma douleur envers le Père, Jacques Blaquart me permet de renouer une relation avec Lui. En m'écoutant, sans me juger, il m'offre la possibilité d'entrer dans une démarche de pardon avec Dieu.
Depuis que j'ai commencé à être ressuscitée, je me « réapproprie » la Parole de Dieu, c'est-à-dire que je la rends propre.

Aimant la prière ignatienne, je lis la Bible tous les matins

Elle est un appui fort. Depuis que j'ai commencé à être ressuscitée, je me la « réapproprie », c'est-à-dire que je la rends propre, et je la fais mienne de nouveau. La Parole de Dieu porte en elle les clés de mes avancées. Dernièrement, un texte d'Isaïe m'a fendu le cœur. Dieu parle au peuple et lui dit : « Un court instant, je t'ai abandonné, mais dans ma grande tendresse, je te rassemblerai. » J'ai lu des dizaines de fois ces mots et, l'an dernier, c'était comme si j'entendais une ouverture au dialogue de la part de Dieu envers moi, une promesse.

La parole – tout comme la Parole – libère réellement

Comme beaucoup de victimes d'un prêtre, j'ai écrit à Rome. J'ai raconté la profondeur de la veillée de demande de pardon et de réparation organisée avec l'évêque Blaquart et d'autres victimes en octobre 2016. Ce jour-là, mes larmes ont coulé avec celles de personnes de l'Église, nous avons dépassé les paroles creuses. Ensemble, ces pleurs ont lavé le passé et sont féconds pour l'avenir.
Rome m'a répondu en écho à ces larmes, par une invitation à regarder celles de Jésus au tombeau de Lazare. Cette lettre m'a rappelé combien je me suis sentie dans ce tombeau, mais aussi qu'il est entouré de personnes qui proclament, en voyant Jésus : « Voyez comme il l'aimait. » Alors, un peu comme Lazare, je suis en train d'être relevée de la prison de mon passé. Parfois, lorsque, avec Jacques Blaquart, j'exprime ma souffrance, il me confie que cela lui est douloureux. Je souris et je lui réponds : « Alors, peut-être êtes-vous vraiment mon prochain ? » Alors peut-être, par sa considération envers moi, je peux dire que je redeviens enfant de Dieu.
Propos recueillis par Sophie Lebrun publié le 19/04/2017

lundi 20 novembre 2017

Découvrir l'islam

« L’Islam ne s’est pas contenté de régner sur un vaste empire qui enfermait les chrétiens en Europe. Il ne se nourrissait pas seulement des trafics marchands à travers l’Asie, l’Afrique et l’Espagne.
Il brillait aussi de tous les feux de la culture, ayant retrouvé en Syrie et en Iran, les traductions des grands auteurs de l’Antiquité classique. Juifs et chrétiens enseignaient dans les universités aux côté des musulmans, à Bagdad comme à Cordoue et à Tolède. C’est même sur la base des grands livres encyclopédiques des maîtres musulmans que la scolastique chrétienne prit son essor à partir du XIII° siècle. » (Jean Boisonnat, Dieu et l'Europe, p. 24)


Pour connaître l’islam on peut écouter l’une des conférences du Père François Varillon qui sait mettre l’essentiel en lumière.

Première partie: Le Dieu de la Bible, Dieu du Judaïsme, du  Christianisme et de l'islam


Deuxième partie: l'islam et l'incarnation



Troisième partie: Découvrir le CORAN


Quatrième partie: Le CORAN (suite)


Cinquième partie: Le CORAN ET LA BIBLE


Sixième partie: Dialogue nécessaire en évitant le compromis facile









vendredi 17 novembre 2017

Les non-pratiquants, des fidèles comme les autres ?

(article paru dans LA VIE, du 9 novembre 2017. Interview de Valérie Le Chevalier pour son livre: "Ces fidèles qui ne pratiquent pas assez... Quelle place dans l'Eglise? Lessius)
Valérie Le Chevalier est chargée de deux cycles de formation au Centre Sèvres à Paris et animatrice en pastorale scolaire.
Pourquoi vous êtes-vous intéressée aux fidèles non pratiquants ?
Lors de mon travail pastoral dans des établissements scolaires, j'ai préparé des confirmations, des professions de foi, des baptêmes... Et je me suis rendu compte que je ne croyais pas souvent à la sincérité des demandeurs. Du coup, je me posais comme censeur de la légitimité de leur demande, jugeant leur foi à l'aune de leur pratique.
Mais qui suis-je pour estimer qu'un enfant n'est pas sincère ? Qui empêche qu'il soit baptisé ? Et puis, on m'a dit à plusieurs reprises que je ne pouvais pas faire un travail de théologie sur les non-pratiquants, car la question relevait de la sociologie.
Comment expliquez-vous ce désintérêt théologique ?
Je crois qu'il est assez coûteux d'admettre que le statut des laïcs et leur foi ne sont pas uniquement liés à la pratique. Leur foi n'est pas reconnue dans sa spécificité, mais calée sur le format du religieux. En accentuant le trait, on peut dire que le laïc, s'il n'est pas observant comme un religieux, n'est rien. Au XIIe siècle, le décret de Gratien (corpus de textes juridiques ecclésiaux, base du droit catholique jusqu'au Code de droit canonique de 1917) a défini trois statuts bien distincts : clercs, religieux et laïcs. Un peu plus tard, au XIIIe siècle, le IVe concile de Latran a fixé que chaque fidèle devait « faire ses Pâques » chaque année, la communion étant devenue à cette époque quasiment impossible, voire interdite pour les simples fidèles. L'histoire de l'Église nous enseigne que les laïcs ont toujours eu un statut considéré comme incomplet. 
Que disent les Évangiles des diverses catégories de fidèles ?
Jésus mène une stratégie de transmission. Pour annoncer le Royaume, il lui faut des ouvriers spécifiques, qu'il met en responsabilité : les disciples et, parmi eux, les apôtres (ceux qui sont avec lui lors de la Cène). Jésus appelle les disciples – « Viens, suis-moi » – qui portent la foi à l'interface avec la société.
Ensuite viennent les foules, en qui on peut voir les baptisés d'aujourd'hui qui continuent à demander à l'Église une offre de salut. Jésus dit à plusieurs personnes qu'il a guéries ou pardonnées : « Va. Rentre chez toi, ta foi t'a sauvé. » La rencontre a porté du fruit, bien que ces anonymes ne soient pas devenus des « disciples », puisqu'ils ont témoigné. Ils font penser aux baptisés éloignés de l'Église.
Pour vous, c'est donc le baptême qui fait le fidèle ?
La foi ne doit pas être quantifiée par des statistiques et tout baptisé reste nécessaire à l'annonce du Royaume. Le simple baptisé est fertile, au moins potentiellement, car incorporé au corps du Christ. Si l'on considère que, par le baptême, Dieu fait alliance avec une personne, alors on ne peut pas imaginer que cette alliance ne continue pas de travailler en elle, ou alors c'est la puissance même de Dieu qu'on met en doute. Penser qu'en l'absence de pratique un baptême est perdu relève de la méconnaissance de la définition du sacrement et, pis, d'un manque de foi en Dieu. Bien sûr, on peut dire que ce baptême n'est pas accompli, qu'il reste en jachère... Mais la graine semée reste intacte et disponible. 

Il arrive que des prêtres répondent négativement à une demande de sacrement quand ils ne sentent pas la foi du demandeur. Qu'en pensez-vous ?

Pour moi, il s'agit d'un pur scandale, d'une injustice contraire à l'Évangile et au droit canon. Un sacrement est avant tout une promesse, tout le travail est à venir. Qu'est-ce qui nous fait préjuger qu'il ne se passera rien ? Jésus ne refuse jamais la guérison de quelqu'un. Il dit : « Ta foi t'a sauvé. » Un homme baptisé qui se dit incroyant et qui va se marier à l'église pour faire plaisir à sa future femme ou à sa grand-mère, parce que cela compte pour elle, manifeste un acte de confiance très honorable. Tous les baptisés doivent être appelés « fidèles », même ceux qui sont éloignés de l'Église. Les qualificatifs de « fidèle » et de « pratiquant » ne sont pas de même nature.
Reconnaissez-vous tout de même que la faible fréquentation des églises pose un problème à la communauté ?
Oui, mais on ne sauvera pas la boutique en n'honorant pas ou à regret les demandes des non-pratiquants. Un vrai travail théologique est à mener sur ce que l'on entend par « peuple de Dieu ». On pense l'Église de manière trop étriquée. Qui décide de la foi des laïcs ? Certains estiment qu'ils doivent justifier leur foi par leur pratique, alors que Jésus , lui, ne le demande à personne.

Dans le texte conciliaire sur la liturgie Sacrosanctum concilium, c'est toute la liturgie qui est première, non l'eucharistie. Or, une personne éloignée de l'Église est très sensible à la liturgie lors de la préparation d'un baptême ou de son mariage. elle veut que ce soit beau, sans pour autant posséder les clés de compréhension. Elle fait confiance à l'institution.

Cela étant posé, l'eucharistie demeure essentielle, car elle représente l'élément central de la sanctification du monde. Par ce geste, nous remettons le monde au Christ en mémoire de lui et pour la multitude. Et les non-pratiquants manquent, car ils ne sont pas là pour apporter leur vie, alors que ce geste relève de leur responsabilité de baptisés. Je ne les exonère pas de leur absence. Mais par ailleurs, je regrette que la pratique eucharistique soit devenue un élément de comptabilité. Au lieu de rassembler, elle distingue les fidèles. Cela empêche Dieu de faire la fête avec ses enfants. C'est lui le grand perdant.
L'eucharistie paraît réservée aux purs. Or l'Évangile du fils prodigue nous dit au contraire qu'il convient de se présenter tel qu'on est, sale, en apportant toute la crasse du monde et de nos vies. Sinon, le sacrement ne sert pas à grand-chose. Personne n'est digne de l'eucharistie. C'est elle qui purifie et restaure.
Si le sacrement est donné pour la multitude, pourquoi celle-ci devrait-elle être présente ?
Car en s'incarnant, Dieu signifie qu'il a besoin des hommes. Dès la création, il associe l'humain à son projet. Jésus aurait-il pu se passer de ses disciples, apôtres et divers compagnons ? Nous devons retenir que chaque personne est un maillon indispensable au projet de Dieu et que l'eucharistie consacre cela.
Quelle responsabilité attribuez-vous aux laïcs engagés, pratiquants ?
Avons-nous invité les non-pratiquants tels qu'ils sont ? Leur disons-nous que nous les aimons et qu'ils nous manquent ? Nous, les laïcs engagés, devons être passeurs. Si notre mission est d'annoncer la foi, nous devons être crédibles et inspirer la confiance. Mais si nous ne croyons pas à la parole de la personne devant nous, nous aurons beau parler, témoigner, évangéliser, il n'y a aucune raison pour qu'elle nous croie en retour. Cette personne éloignée de l'Église doit se sentir légitime à parler de sa foi, reconnue. Et notre rôle est de l'aider, de lui demander de parler de ce qu'elle croit, pas de sa pratique. Nous ne pouvons pas nous passer de ces croyants, autant importants là où ils sont que nous « à l'intérieur ».
Votre livre décrit une situation, mais que proposez-vous pour la faire évoluer ?
Mon livre développe une question politiquement incorrecte. Les réponses sont à trouver dans un chantier à ouvrir. Je travaille dans l'Église, je l'aime, je crois profondément qu'elle est une chance dans le monde. Hélas, elle ne semble s'intéresser qu'aux potentialités d'une toute petite partie d'elle-même, laissant en jachère 90% de ceux qui pourtant la composent. C'est un énorme gâchis, dans lequel tout le monde est perdant.

Au bout du fil, une écoute bienveillante

Ceux qui n’ont personne à qui confier leur détresse peuvent se tourner vers des associations comme SOS Amitié.


Ils ne savent pas avec qui partager leur détresse. Mais, ils ne sont pas tout à fait seuls. Ils peuvent se confier aux bénévoles de
Suicide Écoute,
SOS Chrétiens à l’écoute,
SOS Suicide Phénix,
Agri’écoute ou
SOS Amitié.
Cette dernière association regroupe à elle seule 1 600 « écoutants », spécialement formés. « Mais nous ne sommes pas des thérapeutes », rappelle Alain Mathiot, le président de SOS Amitié.
Si « l’écoute par écrit » s’est développée sur Internet, l’usage du téléphone reste très majoritaire dans ce type d’échange. « Depuis notre création, en 1960, les fondements même de notre écoute n’ont pas changé, poursuit le responsable associatif. C’est une écoute bienveillante et sans a priori, ni jugement et conseil, qui respecte strictement l’anonymat et la confidentialité. »
Depuis dix ans, les appels ont fortement augmenté sur les lignes de SOS Amitié, pour atteindre les 700 000 par an. « Nous sommes un miroir de la France qui souffre », constate Alain Mathiot. « Ce n’est pas vraiment de l’amitié, on reste parfaitement inconnu l’un à l’autre, on ne se lie pas, observe de son côté Romain Huët, maître de conférences à l’université de Rennes 2, qui étudie ces dispositifs d’écoute. C’est un lieu de soutien, de l’urgence. On desserre l’angoisse. Mais on sent que cette souffrance est une matière explosive. »
Pour l’universitaire, écouter revient d’ailleurs aussi à gérer « un potentiel agressif »« L’écoute est une forme de gouvernement de la personne, souligne-t-il. Je me demande dans quelle mesure ce genre de dispositif n’incite pas à individualiser la souffrance, pour la vider de tout sens politique. Il y a, me semble-t-il, un excès de psychologisation et une incitation à l’accommodement à la vie qu’on mène. »
Mais Alain Mathiot croit en l’utilité d’associations comme la sienne. « Souvent les gens qui nous appellent sont déjà passés par d’autres structures, rappelle-t-il. Comme nous fonctionnons 24 heures sur 24, nous sommes le dernier recours. L’idée est d’arriver à ce que les gens qui vont très mal arrivent à se reprendre un petit peu en main. Cela ne marche pas toujours. Mais c’est quand même notre objectif. » (Paru dans le journal LA CROIX le mardi 14 novembre 2016)

Pascal Charrier

lundi 13 novembre 2017

Les MOOCS - théologie, catéchèse ou droit canonique sur Internet

Apparus aux États-Unis en 2012, les Moocs (acronyme de Massive Open Online Course) sont des formations en ligne ouvertes à tous et souvent dispensées sous la forme de vidéos.
Depuis deux ans, en France, diocèses et centres de formation catholiques se mettent à proposer de tels cours à distance.
Le Mooc de théologie du Collège des Bernardins recense 16 000 inscrits.
Chaque dimanche soir, à minuit une, Michèle Monchalin reçoit sur son ordinateur un nouveau cours de Sinod, le Mooc de théologie du Collège des Bernardins.
Parfois, incapable de résister, cette sexagénaire vivant au sud de Lyon s’assied immédiatement à son ordinateur, ouvre sa Bible, et s’empresse de visionner ces vidéos pédagogiques qu’elle trouve si « appétissantes ». « Au début, mes nuits du dimanche au lundi y passaient… Heureusement que je suis retraitée ! » Quand elle est plus raisonnable, Michèle attend le début de semaine pour se plonger dans ces cours de théologie en ligne qui rythment son quotidien depuis bientôt deux ans.
Comme elle, ils sont désormais 16 000 en France et dans le monde francophone à être inscrits sur cette plateforme virtuelle.
Depuis son lancement début 2016, Sinod a déjà proposé quatre cours en ligne, s’étalant sur trois mois chacun, à raison de deux heures de travail hebdomadaires pour les participants. Ces cours ont porté sur la Bible, les sacrements, Jésus et, en ce moment, le péché originel.
« Le niveau est excellent », se réjouit Gaëlle de Frias, qui se connecte à Sinod depuis Brest. Cette mère de famille a beau être déjà titulaire d’un master de théologie, cette formation ouverte à tous ne l’ennuie pas. Imaginée par de solides théologiens, elle sollicite des ressources pédagogiques diverses, outre les vidéos de cours : textes complémentaires, œuvres picturales, quiz… Le tout sanctionné par un examen final en ligne. « C’est un mode de transmission moderne et surtout gratuit et ouvert à tous, résume Florian Quittard, chargé de Sinod au Collège des Bernardins. Cela permet d’abolir les barrières financières et géographiques qui empêchaient beaucoup de gens, jusqu’ici, de se former à ces matières. »
L’aspect grand public des Moocs demande aux enseignants qui les conçoivent un effort pédagogique. « Et cet effort est particulièrement grand pour nos sciences ecclésiastiques, où nous avons habituellement, dans nos cours, un public qui nous est acquis », souligne le père Cédric Burgun, vice-doyen de la faculté de droit canonique de la Catho de Paris.
Le Mooc qu’il a lancé l’an dernier avec deux autres enseignants de droit canonique, « Loi des hommes et loi de Dieu », a été suivi par 5 800 personnes (dont 30 % ont passé l’examen final). « Parmi les inscrits, il y avait des catholiques engagés, mais aussi des athées et des personnes d’autres religions. Notamment des juristes voulant en savoir plus sur ce droit spécifique à l’Église. »
Les catholiques qui suivent ces Moocs voient parfois en Internet une manière de remédier au manque de formation des laïcs en paroisse, ou encore de participer à des formations qui leur demanderaient une présence trop importante. Telle est ambition du diocèse de Paris, qui vient de lancer un Mooc à destination des catéchistes. « Plutôt que d’essayer de faire entrer les gens dans notre emploi du temps, nous avons décidé d’entrer dans le leur », résume Emmanuelle Bergerault, qui coordonne ce projet. En neuf semaines, les 9 000 inscrits peuvent ainsi se former à la catéchèse « du fond de (leur) canapé », comme le promet le site du diocèse. Mais peut-on se former à de telles matières derrière un écran ? Natalia Trouiller, fondatrice du site d’évangélisation numérique Noé 3.0, émet quelques réserves. « Le christianisme est une religion de l’incarnation, rappelle-t-elle. Pour connaître Jésus, il faut aller à la rencontre de ses frères, pas rester seul dans son coin… »
Une objection à laquelle les intéressés semblent préparés. « Le Mooc a toujours un début et une fin dans le temps, ce qui permet une réelle interaction entre les participants, ainsi qu’avec l’enseignant », explique Florian Quittard pour Sinod. Cette « communauté d’apprenants » échange notamment sur un forum de discussion prévu à cet effet. « Nous y abordons des questions très profondes, et certains autres participants sont devenus des amis, même si je ne les ai jamais rencontrés en vrai », renchérit Michèle Monchalin, qui signe certains de ses commentaires d’un facétieux « Amicalement vôtre ».
Ces cours à distance finiront-ils par supplanter la formation en présentiel, qui connaît un certain succès auprès des laïcs depuis une quinzaine d’années ? Non, assurent unanimement les structures concernées. « Il ne s’agit pas tant d’un approfondissement que d’une porte d’entrée vers un savoir difficile d’accès », explique le père Cédric Burgun à la Catho de Paris. Aux États-Unis, où les Moocs sont nés, la tendance manifeste en tout cas des premiers signes d’essoufflement.  - Mélinée Le Priol
(Article paru dans le journal LA CROIX, édition du 10 novembre 2017)




mardi 7 novembre 2017

La discrétion de Dieu

Dieu seul respecte absolument la liberté de l’homme. Il l’a crée: ce n’est pas pour la pétrifier ou la violer. C’est pourquoi jamais il ne crie ni n’impose. Il suggère, il propose, il invite. Il ne dit pas “Je veux”, mais “Si tu veux…”
Des expressions comme “commandements de Dieu”, “volonté de Dieu” doivent être critiquées, comprises selon l’amour. Dieu ne reproche pas: il abandonne ce soin à notre conscience. “Il est plus grand que notre cœur” (1 Jn 3, 20).
Il reste caché pour ne pas être irrésistible; son invisibilité est pudeur. Il ne veut pas que nous puissions  le “prouver” de telle manière que notre raison soit contrainte. L’indiscrétion, incompatible avec la majesté, signifierait une extension de l’amour de soi: cela même que finalement nous discernons à la racine de nos impérialismes et de nos cléricalismes. Mais la voix de Dieu se distingue à peine du silence: c’est une “voix de fin silence”. (François Varillon - L’humilité de Dieu, Bayard, p. 136)

lundi 10 juillet 2017

Et si l'Église s'essayait à la “méthode Macron“ ?

L’institution ecclésiale pourrait-elle s'inspirer de la méthode du Président pour révolutionner la structure ? 

C’est l’idée – hardie – de la journaliste et essayiste Anne Soupa...

La révolution que le nouveau Président se promet d’imprimer à notre pays intrigue assez pour qu’on s’interroge sur son ampleur et sur une possible contagion de la « méthode Macron ».
L’Église, par exemple, tirerait-elle profit de ces aspirations essentielles : refus des clivages partisans, mise à l’écart de structures obsolètes afin de libérer les potentialités empêchées, préjugé du bien plutôt que du mal, désir de dialogue et refus de la polémique et enfin assomption du principe de compétence ? Le tout avec « en même temps » audace et prudence.
En amont de la question posée, constatons ensemble que l’éthique chrétienne est à la source de cette méthode, dont il est étrange qu’elle prenne autant d’entre nous à contre-pied, tant elle est inscrite dans nos gènes, que nous soyons croyants ou non. Un Jésus qui noue une conversation avec une étrangère, femme de surcroît, la Samaritaine, ou qui rappelle que le sabbat est fait pour l’homme et non le contraire – ce que les institutions trop âgées ont l’art de ne plus vouloir entendre –, qui invite à se faire des amis avec « le malhonnête argent », et qui exhausse les talents de chacun, ne peut qu’avoir généré ladite méthode.

Les seuls trésors qui font vivre

En outre, Emmanuel Macron, « fils de jèze », ne peut qu’avoir été nourri de principes de bienveillance, de discernement et de dépassement de soi. Teilhard de Chardin, jésuite, érigeait, à partir du fondement des Exercices de saint Ignace, cette règle d’or : « Tirer des créatures leur maximum d’énergie spirituelle (de puissance d’union) »Et la 22e annotation de saint Ignace rappelle : « Tout bon chrétien doit être plus prompt à interpréter en bonne part qu’à condamner une opinion ou une déclaration obscure d’autrui. » N’y a-t-il pas lieu d’être agréablement surpris de ces résurgences en pleine postmodernité ? Ce rappel laisserait penser que l’Église n’a rien à apprendre. Mais, outre que l’éthique de Jésus est un horizon à reprendre à chaque génération, une autre règle s’impose, à laquelle l’Église n’échappe pas : les seuls trésors qui font vivre sont ceux que nous acceptons de recevoir d’autrui. L’Église, où chaque membre est invité à se recevoir de son prochain, l’est à nouveau aujourd’hui, mais de l’extérieur. Si elle le veut, elle peut le vivre comme un appel à la conversion.
Qui ne se plaît à l’imaginer, avec une pointe de rêve dans les yeux ? 
Prenons l’affaire par un seul de ses aspects : la libération des énergies bloquées.
Comment l’Église, elle qui a les clés de la vie éternelle, peut-elle s’alléger de ce qui ne fonctionne plus, afin que tous, institution et communautés, produisent davantage de biens spirituels, c’est-à-dire plus de foi, d’espérance et de charité ?
Ce qui l’entrave aujourd’hui, c’est le clivage entre prêtres et laïcs. Il n’offre plus le dynamisme missionnaire qu’il a apporté hier. Ce clivage est d’ailleurs amplement dénoncé, et cela est un signe.
Le célibat des prêtres est contesté 
« en pensée et par action ».
Et la concentration du pouvoir sacramentel sur un très faible nombre de prêtres rendra bientôt impossible leur mission de charité active auprès des personnes. À faire des prêtres les professionnels exclusifs des sacrements, ce sont les sacrements qui, déjà, les asservissent.
Est-on bien sûr qu’aujourd’hui le mode de vie des prêtres les humanise et libère leur énergie spirituelle ?

Faire advenir le temps des baptisés

Posons la même question au sujet des laïcs. Eux qui dans la vie civile sont des sujets autonomes et responsables trouvent-ils dans l’Église un dispositif qui augmente la foi, l’espérance et la charité ? D’une certaine manière, oui. Fréquentation des sacrements, soutien spirituel sont là pour fortifier l’âme et l’ouvrir à autrui.
Alors qu’est-ce qui bloque ? Sans doute une conception ancienne et bien installée qui fait d’eux des consommateurs silencieux, au mieux des supplétifs. C’est cela qui ne va plus. Il y a une révolution à accomplir.
Le mot même de laïc devrait disparaître au profit de celui de baptisé, enfin tenu pour un acteur reconnu et investi d’une mission qui dure toute la vie. Tous les ministères, désormais appuyés sur ces colonnes de l’Église que sont les baptisés, seraient en conséquence renouvelés et diversifiés selon les charismes. Ils seraient accessibles aux femmes comme aux hommes, car le baptême est identique pour les filles et les garçons. Comment alors ne pas voir que la parité femmes-hommes s’impose dans la gouvernance de l’Église ? Aujourd’hui, quelle énergie spirituelle une femme peut-elle libérer quand l’exercice d’une responsabilité adossée à ses compétences lui est interdit ? Ce dédain est d’autant plus dommageable que l’expérience spirituelle des baptisés, femmes et hommes, est déjà là, même si les mots manquent pour la dire, et qu’il faudrait des « ministres de l’écoute » pour la déployer.
Car les baptisés « de base », distincts des professionnels de l’Église, sont cette « société civile » de l’Église dont on espère l’expérience de terrain, donc les idées neuves. Ferons-nous en sorte que
« le temps des baptisés » advienne pour de bon, afin qu’il puisse donner des fruits ?
La libération des énergies ne peut se faire sans dialogue. L’Église dispose pour cela d’un outil précieux puisé dans les Évangiles eux-mêmes, le sensus fidei, ce sens de la foi qui permet de discerner ce qui est bon pour l’Église. Comment mieux l’entendre ? En quels lieux, selon quelles modalités ?
Les synodes diocésains ne pourront tenir ce rôle qu’à la condition de ne plus exclure du champ du débat tous les sujets qui fâchent.

Annoncer la Bonne Nouvelle

Libérer les énergies suppose enfin de tenir la dragée haute aux légalismes actuels, ces machines à tuer. La loi est bonne, mais trop de loi glace l’âme. Qui dit cela aujourd’hui, qui le clame ? Où est l’autorité morale qui non seulement construit la digue, mais ramène vers les verts pâturages ?
Encore et encore, il faut le redire : la foi qu’un chrétien confesse n’est pas foi en l’Église, fût-elle mystique, ni en un Dieu conceptuel pris dans les filets des métaphysiciens, des philosophes et des athées, ni en un catalogue dogmatique qui, au fil des générations, se substitue sournoisement au message originel.
Ce qu’un chrétien annonce, c’est la Bonne Nouvelle d’un Christ ressuscité, parole d’amour adressée à tous, ce Christ qui est venu 
« aujourd’hui, pour la maison de Zachée ». Cette responsabilité est celle de chacun. 
La méthode Macron dans l’Église, en somme, ce serait l’optimisation d’une confession de foi, personnelle et collective. Ce « moment favorable » qu’Emmanuel Macron et ses électeurs ont su saisir, chacun dans l’Église est appelé à s’en emparer. Serait-ce pour aujourd’hui ?

Voir le texte original de l'hebdomadaire La Vie

jeudi 1 juin 2017

Ungersheim, un village toujours en transition (article tiré du Journal La Croix)

Mise en vedette par le film « Qu’est-ce qu’on attend ? », la commune alsacienne continue de lancer des initiatives pour avancer sur la voie de la transition énergétique.

Voir: http://www.la-croix.com/France/Ungersheim-village-toujours-transition-2017-04-26-1200842517

L’imposant camping-car est garé sur la place de la mairie. Il a transporté jusqu’à Ungersheim une visiteuse venue de loin : Marta Isabel Ferreira est ministre de « l’agriculture familiale » de la province argentine de Misiones. Mariée à un Français, elle a profité d’un voyage privé dans l’Hexagone pour faire un crochet par le village alsacien et rencontrer son maire, Jean-Claude Mensch.


 Reconduit sans discontinuer depuis 1989 à la tête de ce bourg de 2 600 âmes situé à 15 kilomètres de Mulhouse, l’élu divers gauche, ex-membre d’Europe Écologie-Les Verts, a l’habitude de ce genre de sollicitations. « J’en ai tout le temps et c’est tant mieux », assure-t-il. Car cet ancien mineur et syndicaliste CGT a beaucoup à dire et à montrer. Il a progressivement transformé sa commune en laboratoire du vivre-autrement dans la perspective de l’après-pétrole.

« L’expérimentation d’un autre modèle »

Ferme solaire, chaufferie au bois, régie agricole, monnaie locale alternative, repas bio, éco-hameau, utilisation d’un cheval pour le transport scolaire… De mandat en mandat, les initiatives se sont multipliées pour réduire la dépendance énergétique et alimentaire d’Ungersheim. « On est vraiment dans l’expérimentation d’un autre modèle, résume l’édile, par ailleurs végétarien assumé et militant antinucléaire. Mais notre engagement est reproductible et adaptable à d’autres territoires. »
Ce caractère exemplaire a été renforcé par le documentaire Qu’est-ce qu’on attend ?, tourné à Ungersheim par la journaliste Marie-Monique Robin. Sorti sur grand écran l’an dernier, le long métrage a mis en lumière les multiples actions locales. Il continue de « tourner » en France, de forums en débats. C’est d’ailleurs parce que Marta Isabel Ferreira connaît la réalisatrice qu’elle est venue jusqu’à Ungersheim.

Quelques panneaux solaires…

La municipalité n’a pourtant rien inventé. Mais elle a su mettre en œuvre à peu près tout ce qui peut exister en matière d’innovation, dans le but d’encourager des comportements plus respectueux de l’environnement. « Ce qui nous distingue, c’est que ce sont des élus qui sont à l’origine de ces initiatives », ajoute Jean-Claude Mensch. Aux citoyens de prendre le relais, comme pour les énergies renouvelables.
La mairie a lancé le mouvement en 2000 en décidant de chauffer la piscine municipale avec des panneaux solaires par souci d’économie. Par la suite, les toits du groupe scolaire, du dojo et du club-house du stade ont été équipés de même. Une chaufferie à bois a également été construite pour alimenter sept bâtiments publics. Désormais, la commune accompagne un groupe d’habitants qui doit créer sa propre installation solaire collective. « Jean-Claude Mensch n’arrête pas, je n’arrive plus à le suivre », dit en riant Xavier Baumgartner.
Cet autre militant antinucléaire dirige Hélios Développements, une société mulhousienne choisie pour lancer et gérer le projet communal le plus spectaculaire : une centrale photo-voltaïque aménagée sur un ex-site minier des potasses d’Alsace, le terril Marie-Louise, en partie situé à Ungersheim. Le maire à la fibre écolo a d’abord préempté les terrains qui relevaient de son pouvoir et que certains voulaient réutiliser pour stocker des déchets. Et il a entraîné ses voisins de Feldkirch et Staffelfelden dans l’aventure.

De la graine à l’assiette

Quant aux voisins allemands, ils ont été sollicités pour apporter les investissements nécessaires. Inaugurée en 2012, l’installation produit aujourd’hui l’équivalent de l’énergie consommée par 10 000 habitants. Les panneaux sont disposés sur 55 bâtiments ou auvents qui peuvent abriter des entreprises. Une quarantaine de salariés y travaillent déjà, d’autres vont suivre, et une nouvelle centrale du même type est en projet sur un autre ancien site minier, le terril Alex.
La filière agricole, baptisée « De la graine à l’assiette », suit la même logique. La mairie a d’abord acheté 8 hectares et les a mis à disposition de l’association Icare, qui a créé les « Jardins du trèfle rouge ». Vingt-cinq maraîchers en contrat d’insertion cultivent une soixantaine de variétés de légumes en bio. « Pour eux, c’est un tremplin », indique Lucile Zwingelstein, une des permanentes de la structure.

La majeure partie de cette production est destinée à être vendue en circuit court, via 250 paniers préparés sur place. Les légumes déclassés sont consommés par les salariés. Certains des topinambours et des carottes finissent aussi dans les estomacs des écoliers, la municipalité ayant décidé de produire des repas 100 % bio – goûters compris – dans sa propre cuisine collective. Laquelle est alimentée par de l’électricité solaire, naturellement…

Des centaines de personnes impliquées

Pour poursuivre dans cette voie, la mairie a créé une régie agricole chargée d’exploiter directement des terres. Dans le même temps, elle a aidé à l’émergence d’une conserverie associative, La Potassine. L’ensemble de cette politique trouvera sa vitrine avec la Maison des natures et des cultures, qui devrait être inaugurée en septembre. Cette ferme conçue en matériaux écologiques abritera les mètres carrés nécessaires aux Jardins du Trèfle rouge et à La Potassine. Elle servira également de lieu de formation et de centre pédagogique.
La mairie va, enfin, mettre d’autres hectares à disposition d’un groupe d’habitants qui veulent se lancer dans l’agriculture à plusieurs. « La partie la plus difficile de la démarche de transition, c’est la participation des citoyens », reconnaît Jean-Claude Mensch. Pour les encourager, des commissions participatives ont été mises en place. Dans les faits, seul un noyau dur d’une cinquantaine de personnes est véritablement mobilisé.
S’y ajoutent les administrés « sensibilisés » : écoliers, utilisateurs de la monnaie locale, le « Radis », membres des associations… « Cela fait des centaines de personnes qui sont impliquées de près ou de loin, reprend le maire. Cela ne signifie pas forcément qu’elles s’engagent, ni qu’ils sont majoritaires. Mais la prise de conscience, elle, est majoritaire. On est élus et réélus. »

Un pari payant politiquement

Aux dernières élections municipales, en 2014, sa liste s’est imposée dès le premier tour, avec 52 % des suffrages dans un secteur qui penche à droite. Arrivée en deuxième­ position du scrutin avec 25 % des voix, Catherine Muller ne trouve d’ailleurs rien à redire sur les choix effectués en matière d’écologie. « On ne peut pas être contre, c’est l’avenir », commente-t-elle.
Cette politique attire aussi de nouveaux habitants, à l’image d’Anne-Catherine Douvenotz. Dans une autre vie, cette Alsacienne de 38 ans habitait un logement « classique » à Colmar. Elle réside depuis juillet dernier dans l’éco-hameau d’Ungersheim avec son époux médecin et leurs deux fillettes. « On a toujours rêvé d’une maison de paille », avoue-t-elle. Conçu avec des matériaux écologiques, son chez-soi à l’ossature en bois est effectivement isolé grâce à de la paille.

Logements verts

L’appartement est ainsi « passif ». Il consomme un minimum d’énergie, comme les huit autres construits à côté. Là aussi, la municipalité a eu un rôle déclencheur. Elle a racheté un domaine qui appartenait à un industriel suisse et l’a revendu en partie à des familles voulant se lancer dans l’autopromotion de ce projet écologique et solidaire. « On est réunis par des valeurs communes », rappelle Anne-Catherine. En contrepartie, il leur a été demandé de signer une charte visant à respecter de grands principes, comme l’utilisation de matériaux durables d’origine locale.
Une nouvelle tranche de logements est dans les cartons, tout comme d’autres chantiers, dont l’ouverture d’une épicerie biologique. L’objectif est toujours le même : proposer un autre modèle, sans passer en force. « Demander des changements, ce n’est pas facile, reconnaît Jean-Claude Mensch. Dès qu’on rend les choses obligatoires, cela donne l’effet inverse. Il faut que le projet soit séduisant, qu’il donne envie. Mais Ungersheim est un village comme les autres, pas une île. » Devant la place de la mairie où est stationné le camping-car, des camions continuent de circuler.

De la potasse au solaire

Des mines de potasse, un minerai utilisé pour produire de l’engrais, ont été exploitées à partir du début du XXe siècle dans la plaine d’Alsace, au nord de Mulhouse. Une vingtaine de puits ont été creusés. L’exploitation s’est terminée en 2002.
Le carreau Rodolphe, situé sur les communes d’Ungersheim et de Pulversheim,
est le principal témoin de cette époque. Rachetées en 1987 par l’Ecomusée d’Alsace et le Conseil général du Haut-Rhin, ses installations minières ont été sauvegardées.
Ungersheim a été retenu en décembre 2016 par le ministère de l’écologie parmi les 93 nouveaux « territoires à énergie positive pour la croissance verte ».
La signature d’une convention avec l’État va permettre à la commune de bénéficier de 1,5 million d’euros d’aides publiques.
Pascal Charrier (à Ungersheim, Haut-Rhin)

 

lundi 27 mars 2017

Les prêtres deviendront-ils des gardiens de musée ?

Dans beaucoup de villages de France, l’Église s’épuise à accomplir ce que ni La Poste, ni la Gendarmerie, ni l’Éducation nationale n’ont accepté de faire : maintenir coûte que coûte une présence. Celle-ci ressemble le plus souvent à une vitrine vide. Sous le vieux clocher qui sonne encore l’angelus trois fois par jour, il n’y a plus grand chose : parfois un mariage, plus souvent un enterrement (sans messe), rarement l’eucharistie. Cela fait déjà plusieurs années que « la vieille dame qui avait les clés de l’église » est morte. Les derniers à lui avoir demandé d’y accéder pour y faire une courte prière étaient des scouts en exploration. Depuis, la clé se trouve à la mairie.

Propriétaire et affectataire

La mairie, justement, ne sait plus très bien quoi faire. La République a eu l’idée de confisquer les églises : la malheureuse ! La voilà propriétaire de plus de 40.000 édifices et l’entretien de l’église pèse très lourd dans le budget de nombreuses petites communes. Pour rentabiliser ce lieu, le Conseil municipal a bien proposé que des concerts et des expositions soient organisés : l’église serait pleine, pour une fois ! Mais l’affectataire, c’est-à-dire le curé, doit encore donner son feu vert. Or, il ne le fait pas systématiquement, car les événements proposés ne respectent pas toujours le caractère sacré du lieu où sont parfois clairement antichrétiens. Certains maires menacent et fustigent : pourquoi devraient-ils considérer l’église comme un lieu de culte alors que, justement, il n’y a (presque) plus de culte ? 

La désaffectation d’un édifice religieux est une procédure bien définie. En cas de non-célébration du culte pendant plus de six mois ou de délabrement avancé, le maire peut seulement alerter le préfet qui, par arrêté et après accord écrit de l'évêque, prononcera la désaffectation. Libre alors au maire d’en faire un loft, une salle de concert ou bien de la démolir. C’est un crève-cœur pour les paroissiens, mais pas seulement. Beaucoup d’habitants interprètent la destruction du clocher comme la fin symbolique d’une foi qu’ils n’ont plus mais qui faisait, inconsciemment, leur identité.

Trop c’est trop

Le plafond de l’une de mes vingt églises vient de s’effondrer : je n’ai pu m’empêcher de pousser un « ouf » de soulagement. Une de moins ! Nous en sommes là. Il faut dire courageusement la vérité : beaucoup de curés en ont plus qu’assez. Sont-ils envoyés vers des pierres ou vers des cœurs ? Deviendront-ils des gardiens de musée ? Quand vont-ils enfin faire de l’évangélisation et arrêter de courir ? Dans leur paroisse, il y a un seul supermarché, pas quarante. Quel sens cela a-t-il de faire cinquante kilomètres pour célébrer la messe à une assistance de vingt-cinq personnes dont vingt-trois ne sont pas du village ? La pastorale de l’éclatement s’apparente à un acharnement thérapeutique. Il faut avoir le courage de reconnaître l’absurdité de desservir des clochers jusqu’à l’épuisement.

Le dimanche doit pouvoir rassembler toute la communauté chrétienne, dans sa diversité et ses richesses, en un lieu unique où coulerait la source eucharistique. Ni plus ni moins qu’un sanctuaire vers lequel on viendrait pour boire à la source, reprendre des forces et se rassembler pour vivre l’essentiel. Un covoiturage devrait être mis en place. À proximité immédiate du sanctuaire, une cité paroissiale fonctionnelle accueillerait de multiples activités pour un dimanche bien rempli : catéchèse, activités pour les enfants, repas, messe, jeux, conférence et pourquoi pas les vêpres ? Avant que les paroisses n’existent, on affluait vers les monastères et les cathédrales, ces pôles rayonnants où soufflait l’Esprit ; c’est ainsi que nos ancêtres ont évangélisé la France.

L’enjeu est de taille : voulons-nous gérer la pénurie, être les administrateurs d’un patrimoine de plus en plus lourd, ou bien redécouvrir la créativité missionnaire des évangélisateurs ? Faut-il inexorablement fermer boutique sans même réfléchir à demain ? Pourquoi n’organisons-nous pas des tournées missionnaires ? Pourquoi n’essayons-nous pas non plus de faire venir des prêtres et des religieux « différents », issus par exemple des communautés nouvelles ou traditionnelles ? Face à l’urgence, est-il encore temps de défendre nos prés carrés ? Ne sommes-nous pas tous serviteurs de la même évangélisation ? Quel avenir pour nos églises ? Toutes ces questions ne sont pas nouvelles : depuis l’article « L’eau monte » du père Jean-Louis Blaise qui décrivait (en 2001) la diminution du nombre de prêtres sans réduction de la pastorale, à Monsieur le curé fait sa crise de Jean Mercier (2016), en passant par Quel avenir pour nos paroisses ? du père Montoux (2011), on voit bien que cette problématique est récurrente et ancienne. Pourquoi est-ce si difficile d’en parler publiquement et paisiblement ? Et pourquoi n’avons-nous pas de réponses à nos questions ?

Pierre Amar, prêtre depuis 15 ans, l’un des co-fondateurs du Padreblog, et auteur de Internet, le nouveau presbytère (Artège, 2016). 
cf: http://www.lavie.fr/actualite/billets/les-pretres-deviendront-ils-des-gardiens-de-musee-07-03-2017-80426_288.php