mercredi 28 février 2018

Pratique religieuse : « Il ne faut pas avoir une conception trop étroite de la pratique religieuse »

Nicolas Senèze pour La Croix Un quart des catholiques se disent pratiquants mais seulement 7% viennent chaque dimanche à la messe. Comment expliquez-vous ce décalage ?
Mgr Defois : Il faut bien comprendre que la pratique religieuse n’est qu’une des expressions de la foi ! Aujourd’hui, l’identité catholique ne s’exprime plus uniquement par l’assistance à la messe dominicale. Pour certains, pratiquer, ce sera aller en pèlerinage une fois dans l’année, faire baptiser leur enfant ou célébrer religieusement leur mariage… Cela a été particulièrement sensible au moment de la mort de Jean-Paul II, avec tous ceux, dont beaucoup de jeunes, qui sont venus exprimer une appartenance culturelle au catholicisme en priant dans les églises. Et cette prière avait du sens pour eux. Il ne faut donc pas avoir une conception trop étroite de la pratique.
La Croix Cela veut-il dire que l’Église continue de toucher ces catholiques « culturels » ?
Mgr Defois : Oui, à condition de donner la priorité à l’évangélisation par rapport aux sacrements. C’est tout le sens de nos efforts pour, par exemple, améliorer la préparation au mariage ou, dans le cadre du catéchisme, associer les jeunes parents à la vie religieuse de leur enfant. Cela ne veut pas dire que, du jour au lendemain, ils se mettront à aller à la messe tous les dimanches, mais il y aura quelque chose de fondateur pour eux à accompagner leur enfant. Comme le soulignait Paul VI dans Evangelii nuntiandi, les enfants aussi peuvent évangéliser leurs parents. Le danger serait de faire une Église qui reproduirait le passé.
La Croix Est-ce pour cela que beaucoup de jeunes ne s’y retrouvent pas ?
Mgr Defois : Beaucoup de nos eucharisties sont « managées » par des retraités, ce qui est normal car ils ont plus de temps pour s’engager dans l’Église. Mais cela ne permet pas l’expression liturgique des jeunes. Je pense en particulier à ce qu’ils peuvent connaître à Taizé ou à ce que nous venons de voir lors du rassemblement scout de Jambville. Les jeunes sont plus friands de ces rassemblements ponctuels que de la messe de leur village ou de leur quartier, dans laquelle ils ne se sentent pas à l’aise. Un des drames de notre époque, c’est que les générations de retraités engagés dans nos paroisses visent à perpétuer l’Église qu’ils ont connue, à poursuivre ce qui les a portés. Pour certains, le malaise vient du fait que ce qu’ils font serait l’expression de la vérité.
La Croix Avec un tel discours, vous ne craignez pas de décourager tous ceux, souvent âgés, qui sont engagés dans les paroisses ?
Mgr Defois : Attention : il ne s’agit surtout pas de tout jeter et de remplacer les retraités par les jeunes ! Ce qu’il faut, c’est être plus attentif à l’inter-générationnel dans l’Église, ce qui permettrait d’être plus à l’écoute des attentes des jeunes. Sinon, nous risquons d’être submergés par le maintien de formes religieuses du passé qui, si elles ont eu leur heure de gloire, ne correspondent plus aux attentes d’aujourd’hui. Nous sommes en effet passés d’un catholicisme d’appartenance et de consommation à un catholicisme de conviction et de sélection.
La Croix Cela s’accompagne aussi d’une individualisation des croyances et des pratiques. Comment éviter que chacun ne se bricole « son » catholicisme ?
Mgr Defois : Le problème est effectivement le manque de culture spirituelle et religieuse. Notre tâche est donc de réévangéliser le besoin de vie spirituelle. Auparavant, on allait de la foi à l’engagement, alors qu’aujourd’hui, on découvre la foi dans sa vie. Il nous faut donc faire en sorte que cet engagement s’exprime dans la vie de l’Église, qu’il y ait une communication avec la vie spirituelle. Aujourd’hui, les deux tiers des Français se disent catholiques : cela signifie que l’Église est entièrement immergée dans cette société en mouvement. Ce n’est pas forcément négatif, mais cela demande que nous dialoguions avec cette société. C’est un appel à vivre l’Église autrement.
Mgr Gérard Defois, interview parue dans le Journal LA CROIX du 14 août 2006

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