samedi 17 novembre 2018

Histoire de l'Eglise: la commende et les monastères

Le danger que dénonce saint Bernardin, rien ne le manifeste mieux que le développement que prend alors le désastreux régime de la Commende.  La pratique en était très ancienne : on peut en retrouver les traces jusque dans saint Ambroise et saint Grégoire le Grand.  
Redon - cloître église St-Sauveur

Selon l'intention première, donner un monastère en commende, c'était en confier (commendare) provisoirement l'administration à un séculier, en l'absence du titulaire, avec dispense de régularité.  Mais, avec la constitution progressive du régime des bénéfices ecclésiastiques, la commende était devenue une fructueuse opération pour le titulaire, autorisé à percevoir les revenus afférents à la fonction qu'il exerçait temporairement. 

Du coup, les laïcs s'étaient intéressés à l'affaire: dès l'époque de Charles Martel, on avait vu des Abbés militaires qui touchaient les revenus d'un monastère, sous prétexte d'assumer sa protection.  Puis, la commende, de temporaire était devenue définitive: le « commendataire » encaissait les bénéfices tout le long de sa vie, en faisant exercer les pouvoirs ecclésiastiques par un prieur ou un substitut, qui, canoniquement, y était habilité.  Au cours du XIII° siècle, cette funeste pratique avait déjà gagné beaucoup de terrain: les bénéfices réguliers surtout, abbayes et prieurés, avaient commencé à être mis en coupe réglée.

Les Avellanes (Catalogne)

On imagine sans peine comment la crise du Grand Schisme et les surenchères qu’elle détermine dans les deux camps rend cette pratique à peu près universelle.  En échange de leur serment d'obédience, les princes laïcs se font attribuer par l'un ou l'autre Pape tout ce qu'ils peuvent de bénéfices, abbayes, monastères, revenus épiscopaux, voire simples cures; rien n'échappe à un appétit de plus en plus dévorant.  


Les bénéfices en commende font partie des ressources reconnues des grands; on en voit figurer dans la dot des filles ou donner à des gamins de douze ans.  Le plus étonnant de l'affaire est que tous ces Abbés commendataires ne sont pas mauvais et même que certains lutteront courageusement pour la réforme de leur communauté.  Mais, ordinairement, ils ne songent qu'à tirer le plus de ressources possibles de leurs biens religieux, n'ont aucun souci des biens spirituels, laissent péricliter les âmes.  

En Allemagne, où il y a partout confusion totale entre le commendataire et le titulaire; les laïcs se déclarent princes - évêques ou comtes - abbés, mais ne songent nullement à être prêtres -. on cite le cas d'un évêque de Paderborn, en 1400, qui, tranquillement, se marie. Rien d'étonnant, en de telles conditions, à ce que le clergé, du haut en bas, perde beaucoup de son autorité.

(Daniel Rops : l'Eglise de la Renaissance et de la Réforme. P. 146 sq)
 


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